Au pays de la poésie, il pleut avant l'aurore des mots éperdus.
Désespérément ils nous font des signes. Qui sont-ils ? Et qui les fait ?
Dans la mer de vie, ils cheminent en pensée, en âme et en souffle d'esprit-chair.
Nous ne savons rien de leur couleur, de leur respiration dans le cosmos.
Nous sommes séparés par toute la longueur du ciel. 





======= Itinérances libertaires ==========

Il n'est qu'un lieu où tout arrive, c'est l'incantation du voyage utopien.
De cette conjonction intime de la rue et de l'expression directe naît la puissance des mots de murs/des murs de mots. les anarchistes souffrent en liberté, de toutes les libertés. leur violence d'amour est authentiquement un acte de résistance aux armes brutales dont se servent les meurtriers du monde et de la chair. C'est pourquoi le fonctionnement matériel et mécanique de la société autoritaire les fuit. L'existence les a choisis pour la bataille de ses lieux clos, souterrains qui effraie les oreilles sourdes à la voix des étoiles.

Si l'attrait des rues étroites s'est présenté à toi, dans ta première existence, je te propose d'y voir l'élan intérieur relié à un secret espace de transition. Entends-tu le prodigieux effort d'écrire ce qui, encore, reste libre ? Ici, peut-être, ou ailleurs, ou dans des vibrations futures, les mêmes lointains intérieurs ressurgiront. les battements de l'amour sont immenses d'étoiles. Plus intrigant : voici revenue la voix de celles qui aspirent le rêve de l'être unique vers l'étonnement d'être de ta surprise d'exister. 

Tout ce qui te parle doucement de ton adolescence se réfugie ici dans un bistrot de la rue Mouffetard. Tandis qu'un guitariste manouche a le génie de l'improvisation, tu laisses les sentiments voyager seuls et sans maître (mais toi, tu penses ce qu'ils disent dans la forêt des mots indéchiffrable). Tu ouvriras les yeux limpides ou mélancoliques de la rue pour refaire de l'intérieur l'itinéraire de l'indécise lumière de ta naissance jusqu'à l'ombre décisive de ta mort. 

Mais le sais-tu toi-même ? L'inaccessible et le dangereux appartiennent au voyage profond et simple de ton amour. Le goût du risque et de l'aventure n'est pourtant pas une respiration amie. Tu n'aimeras peut-être pas les autres, mais tu aimeras un autre. Tout y sera plus froid, mais tu entendras courir les cris de la lumière, écartelés entre ta main de chair et l'éternité abstraite. 

Innocente est la rue qu'on barricade pour changer le monde puis la vie. Il n'est qu'un bref été de l'anarchie pour s'en pénétrer : une plage de dessous les pavés, des vagues déferlant sur le rivage de l'amour total, une île de la révolution en idées. L'enthousiasme et la générosité adolescents multiplient par plusieurs millions les millions de soleils qui existaient déjà. 

Prendre le pouvoir n'est pas un acte naturel, mais il est essentiel de prendre son pouvoir. Toute libération de la parole initie une démarche libertaire qui a sa propre insurrection poétique. De chaque croisement de regards naît un acte ou une parole d'anarchie. Et toujours, de toute façon, revendiques-toi à toi-même.

Le monde sera beau si tu aimes le monde. Et si tu aimes le monde, tu voudras le créer. L'arme de l'art sera ta seule, unique et vraie trajectoire d'espoir face aux totalitarismes. Il n'y a pas d'autre vérité que le mot, le corps, le monde. Le cœur de la forêt est l'endroit où l'aube paraît. Ce sont les douceurs de clarté de l'infiniment tendre. Le lieu originel où éclosent les mots est le seul endroit où une aube violette ait encore une nudité dans sa chair.




Quel ordre ? L'ordre de qui ? L'ordre pour qui ?
Il faut être toujours prêt à lui échapper.
J'appelle vie en marge ce refus d'appartenance où, de fait, s'éclipse l'esprit de système.
Quiconque est né nomade, aura le gout pour l'étrange beauté du ciel nocturne.

Qui interdit la ligne pure de l'amour? La ligne de lumière où le ciel et la mer se rejoignent n'appartient à personne. L'imagination peut être profonde, assez pure pour se vider la tête et le cœur de l'ordre politique ou religieux. L'ordre institué est né sur des hypothèses énoncées par une addition de personnalités qui ne savaient pas tellement ce qu'elles pouvaient obtenir à poser cette question incongrue. 

La fin de la Culpabilité c'est le commencement du Monde Un et Nu.

Je ne nie pas l'idée de Dieu mais je conteste le Texte-Dieu, le Dieu-Institution.
L'ordre ou l'amour de Dieu : telle est l'alternative.

=========== Aux petites heures du matin ==========

L'eau noire de la nuit jointe à la musique de l'aube s'était précipitée devant les portes célestes et claires pour prendre une piste ascendante. La rue des Fossés Saint Jacques était en quelque sorte déjà reprise dans les saisissantes volutes de l'aube. Je n'avais jamais rien su de cette lumière fugitive qui se frayait un chemin à la hauteur de ses toits. L'enfant dans l'homme avait simplement lancé des oiseaux de papier vers les galaxies qu'il aimait imaginer. Oui, mais, là-bas, ce que j'avais vu en imagination était un poème-voyage, un poème-quête. Du haut de la colline de mes rêves, une tentative d'aller vers le lieu de l'autre.

C'était un doux matin ouvert dans le ciel.
L'alto de Bird brillait plus clair que l'orgue des Blancs Manteaux.
Laura était le prénom de clarté.
Tout le centre de mon être s'y rendit en grande soif de vivre et d'aimer.

Le souffle du matin courait sur un fleuve d'ombres blanches.
Je venais au monde.

Et soudain il y eut l'inouï, l'idéal. Je m'enfonçais et disparaissais comme un noyé, aspiré par la chair orange d'une jeune mer aux yeux immensément bleus. Il n'y avait pourtant ni haut, ni bas, ni intérieur, ni extérieur car la dualité de l'amour absolu était une. Le sexe tendu de l'érection masculine ne montait pas comme une montagne, mais il se dressait en se coulant le long d'une rosée de lumière exquise. 

Désormais, ma vie ne tenait qu'à un fil, luisante de sueur. 

Le sentier de la quête se perdit dans les brumes. Mais, le savait-il lui-même ? C'était dans l'eau amniotique du poème, qu'il se trouvait. 

Les premières lueurs aurorales de l'aube suscitaient la mélancolie rêveuse de la place de Thorigny. Je les regardais dans ce ciel et je crus voir un reflet du voilier de ma nuit, de mon aube et de mon soleil.

Je comprends mieux à présent pourquoi j'aime trop l'individuel, l'unique pour aimer la totalité. L'errance d'amour fut conçue pour donner un sens à la rencontre finale avec une voyageuse secrète, au coin d'une rue, quelque part dans la nuit des marges. Est-ce une étoile noire sans retour ? Mais elle nous conduit à la croisée des pluies d'interfaces. 

La découverte dans le regard de l'autre est au cœur de toute urgence expressive individuelle. Une île-sœur, il y aura toujours son reflet, avec le bleu au fond des bleus, qui expérimentera de renaître dans le voyage d'un océan au-delà de tous les océans. Une île-sœur, on la garde sur soi, comme un moment d'éternité concrète. 

La découverte dans le premier regard de l'autre perçoit le ciel au-delà de l'imagination.




================ Points de voyage / Esquisses 9 ================


Il suffit d'un mot pour se voir, se toucher dans l'instant des corps.
Il suffit d'un signe pour atteindre l'autre rive dans l'instant des voix. 
Il y a la solitude d'un face à tous devant la vie et la solitude d'un seul à seul devant la mort.

La nuit s'avance rue Soufflot. Toute la sensibilité, toute l'identité de cette rue ont leurs mots de murs, leurs murs de mots. Le soleil noir de craie dont elle est imprégnée, est lui-même, celui d'un vent de fronde et d'anarchie. L'appel des formes en liberté de la nuit, me laisse entendre, que tout peut être changé de ce qu'elle était et faisait dans le jour. Je cherche alors, dans ses sables noirs mouvants, à déchiffrer les mystérieuses inscriptions et à retrouver le pays des âmes, qui me parlait dans la langue des étoiles quand j'étais enfant. La rue est silencieuse et mon rêve, immobile. 

Les secondes de la longue nuit s'étirent. Et l'attente impatiente d'une lumière, d'une chance se prolonge dans un rêve qui court se cacher derrière le nuage. C'est pourquoi les nuages s'amusent follement.

L'espace libre occupé par les nuages et les oiseaux est un territoire encore peu exploré.
Alors finalement, nous ne savons pas si les imprudents qui l'explorent ont changé de monde
tout en haut et en profondeur absolue. C'est un appel de la lumière.
Ils ne veulent plus descendre ! Ils veulent s'accrocher à leurs frères nomades.
Et l'amour de l'amour rend bien difficile l'entière destruction des voleurs de feu au-delà des nuages. 




================== Bifurcations sentimentales ===============

Les yeux de la rue Saint Paul errent délibérément parmi les spectres multicolores. Cependant, tout cela n'est beau que tant que la couleur, retournée en dedans, redevient un dessin directement relié au mot. Dedans chaque mot, il y a un murmure de source. Je m'y engage. 

Les yeux sont là pour dire les âmes, pour y plonger le cœur aussi. Je vois voguer dans ce monde la barque blanche-noire de l'errance romantique et sensuelle. L'émotion des visages, furtivement partagée, s'engouffre dans le noir rouge feu. C'est par l'amour le plus physique, qu'elle est allée à l'infiniment tendre. 

Le rêve vient à nous. Et pourtant, tout se passe comme si les cris de la lumière n'osaient plus crier à l'ombre des volets clos des appartements. Le nu, la chair, les dérèglements sont projetés le plus souvent dans des interdits moraux, où le ton enflammé du prêtre devient lui-même inaptitude au plaisir orgasmique. 

L'instant sexe tremble de froid dans la nuit. Tout ce que j'approche frappe et humilie sans commencement ni fin. L'âme de cette rue est gorgée d'anxiété. L'avant-aube est ma seule défense. C'est peut-être la naissance des formes les plus tristes de mon ombre dans l'ombre.

Il s'agit de reconnaître dans l'image angélique ce qui doit être ébloui d'aurores et ce qui doit être ému par tout ce qui vit dans l'eau amniotique du corps. Ce goût du voyage est sorti directement du fantastique féminin qui l'a engendré. Et l'œil du démon l'a reconnu et n'a pas craint de s'y identifier, puisqu'il est d'abord le messager de l'infini dans un monde sans amour. 

Rien ne vient corrompre le premier instant de la première rencontre : presque tous les feux sont dans cette sensualité des courbes, que la morale des imbéciles refuse obstinément de montrer. L'amour est un moment à faire assez hâtivement, mais l'émotion qu'il suscite dévoile la vérité ; c'est-à-dire quelque chose de neuf qui n'a jamais existé. Nous disparaissons sur la terre mais nous ne sommes pas morts dans le ciel noir.





================== Points de voyage / Esquisses 11 =================

Rue du Cygne, à Paris, un espace de transition entre les mondes ne suffit pas. Je m'entends, m'entendre marcher. Où ai-je mis le pied ? Les rues sont bien plus mystérieuses que les clairs de lune ne le disent. Et depuis lors je ne cesse de traverser des ponts de brume. Il y a dans cette rue Sainte Croix de la Bretonnerie, une obscurité lumineuse capable de précipiter un changement de monde. L'éclair de réverbères magique qu'elle émet, est surnaturellement enveloppé d'ors bleus semblables à ceux des planètes lointaines.




La mère est quelque chose de plus grand que le territoire du père.
C'est elle qui accueille en premier l'enfant qu'elle vient de mettre au monde.
Elle est l'introductrice au royaume.

La maison a deux entrées : l'une sur l'eau amniotique et l'autre sur les étranges constellations.

Nous ne sommes que de passage et l'archipel humain baigne encore dans les eaux maternelles. 
Mais nous sommes une flamme au fond de l'eau.

Ainsi commence la course poursuite des grands espaces des îles heureuses contre la mort des mers.
Mais une foule de pas sourds arrive en sens inverse, étrangère et indifférente à l'annonce de l'aurore et à l'essor du soleil.

Le poète doit être fort et cohérent pour s'engager dans quelque chose, au risque d'avoir le mal d'aurore. 



La couleur des barques amarrées réclame toujours plus d'horizons lointains.
Les bleus intérieurs sèment l'élan de la soif de vivre dans la soif d'aimer.
L'île d'enfance, poussée à fleur de mer, d'un seul coup possède une réalité.


Il y a une autre dimension de la vie. Les eaux nocturnes du rêve sont nées lorsque le monde est né. La question est de savoir comment retrouver la présence du vrai lieu. Est-ce le hasard qui nous fait nous rencontrer ? Tout est à l'image de notre errance et de notre clandestinité. A n'importe quel endroit de la ville, je les rencontre à chaque pas. Il s'agit d'extraire de cette terre qui est la vie, les êtres avec lesquels on est fait pour capter la lumière-seconde au vol et la couvrir de larmes et de baisers. Voici l'image blanche de celle qui arrive dans le froid nocturne, de celle qui vient, qui ne peut pas ne pas venir, qui peut-être est déjà venue dans le lieu du surgissement d'un monde encore inexprimé.

Ananké le cheminement
Ananké le voyage
Ananké la quête
Ananké les errances

Il existe un regard de source plus profond que le soleil ; celui dont la lueur vivante sera l'idée d'une autre lumière dans l'espace nocturne. Il y a plus, il y a métaphysiquement plus et plus loin que la figure de notre lieu. C'est le rivage beaucoup plus nu, à la fois simple et éternel des terres inexplorées. Il apparaît qu'au-delà de nos frontières et de nos murs, il y aura à nouveau la quête du secret de cette dimension d'imaginaire. 

Il y a la présence du monde naturel de l'enfance et il y a la présence au monde, la lumière de l'instant. Il faut être déjà et toujours en avance d'une vie par le regard et la parole. L'une n'est rien sans l'autre. Le monde sans l'autre ne respire pas, il n'a pas d'être. Le matin court dans la nuit rejoindre la région première d'une déesse et la chaleur d'un feu nouveau. 




Il y a nécessairement deux êtres qui se rapprochent et la déesse les oriente vers ce qui est encore l'inconnu.

On entre à l'intérieur d'une forêt comme on pousse une porte vers l'infini.
La terre est vivante et chaque existence est une signature unique.
Ce monde ne se ferme pas sur lui.

Il m'avait dit que le moindre chemin d'eau dans le silence de la forêt était sur le point de devenir une mer de lumière. Il y aurait eu en chacun de nous comme un premier regard vers le ciel qui aurait retenu un rêve qui s'échappait. 

Le fait est que, faute de savoir dans quel processus d'évolution nous nous trouvons, ni sur quelle fréquence vibratoire se situe l'Humanité, nul n'est capable de dire comment l'être humain est arrivé ici !



La musique de la mer aux abords de la nuit est débordante de lumière. 
Les étoiles nous regardent et les échos de l'univers nous écoutent dans un retournement incessant.

L'expérience de renaître nous confronte à une dissémination des rêves et nous fait basculer dans une autre étendue intérieure, mais qui est celle de la vérité essentielle qui nous a irrigué depuis la concavité matricielle.

L'inquiétante étrangeté de cette période est peut-être d'autant plus forte cette fois qu'il s'agit de la confrontation entre le Monde et le Non-Monde. Il se peut qu'un matin du grand soir, dans toute cette horreur et cette folie, les poings prendront la rue serrés par la colère noire.

Je me dis parfois que le lieu de la rencontre n'est qu'un rêve et je ne peux m'empêcher de penser que le cri de la naissance se retrouve à travers tout le sens profond de la mort. 

C'est seulement quand notre être s'est engendré lui-même (avant d'être engendré) que nous avons été expulsés violemment d'avec une île à même les hauts fonds. Tout ceci démontre que l'avant-naissance ne disparaît pas avec le mouvement d'arrachement, bien au contraire. 

Il y a partout des hommes de l'enfance et si le cri de la naissance est retenu sans être captif, ils seront compris partout. Sans craindre la mort-mère reçue comme une culpabilité secrète, on peut dire que le rêve est création et que l'imagination est éternité.



La rue du Fauconnier file en ligne directe vers l'endroit où se cache le passage des rêves. Le passage suit les lieux, aussi fébrile qu'eux, pour atteindre un abri, une caverne ou une niche brûlante de soleil. Pour effectuer le passage d'un monde à l'autre, il faut traverser un espace nu, radical comme une musique de l'aube quand la lumière est directe, sensible. 





============ Passager de la nuit ============

Je traverse le Pont au Change emplit de sables invisibles aux yeux des rues alentour. Le visage bleu des îles prend la couleur de presque toutes les passantes. D'elles, je ne sais rien. Pour quoi faire ? Je cherche continuellement à concilier en une autre région du regard un moment de lumière vraie avec la fragilité de la force précaire, brève de l'animal mâle lumineux. Et c'est quand même le chant d'un lien secret avec le feu, l'instant tout neuf. Je me retrouve en grande intimité avec l'espace ouvert comme jamais je ne le fus.

Tout est donné en instants passagers et personne ne le sait. Du Quai Saint Michel au Quai aux Fleurs, il n'y a qu'un pas qu'ont franchi les lèvres nombreuses, le sourire charmant. A vrai dire, je ne sais pas si j'ai rêvé de quelqu'un dont on ne connaît pas le visage, ou si j'ai rêvé de l'infinie liberté donnée en instants passagers. 

Mais les murs sont encore plus nus et plus froids qu'ils ne le disent : celui qui s'endort en cheminant ne parviendra pas à la porte du jour. 




Dans des soleils nocturnes, entrent et sortent les passagers de la nuit, poussés par leur faim de vraie lumière. Les haleurs du monde d'à-côté les exhortent à ne pas abandonner leurs luttes et leurs désirs. Patience ! Les passions, y compris les plus décriées, auront toutes des visages de clarté.



C'est à la région des sources qu'il faudrait remonter pour trouver le lieu où éclosent les mots du poème. Tout résulte, en amour, d'une rencontre hasardeuse dont l'innocence établie des jambes, des bras, du cou se chargera de reconstituer les jardins disparus. Mais il faut toujours ne pas tout savoir de l'amour pour continuer à renouer avec le labyrinthe personnel comme aventure. C'est sans doute par ce point d'inconnaissance que le triangle noir sublime à la lumière comme un satin iridescent. 

Tu caresses ses épaules célestes
dans un ciel rosé par l'aube
mais tu ne sais plus rêver son rêve
quand le plaisir troue son ventre
et tu replies ses bras
exactement comme les ailes blanches
d'une étoile dans un ciel noir




Rouge Rêve Réveil

J'aime imaginer une jeune femme nue dans une forêt brumeuse.
Est-ce qu'il est urgent de déjouer le piège fictionnel ?
Ce n'est qu'au réveil que je lui donne le visage de l'image nouvelle. 




L'acte vivant de la communication nous informe par la poésie que l'autre monde, c'est celui-ci. 
A ceci près cependant, qu'ils se confondent avec nos pensées et nos sentiments sur un autre plan du réel.



Il y a un balancement incessant entre l'état organisé et l'état premier ou état de nature, entre le mouvement d'arrachement de la naissance et le mouvement de communion de l'amour.




Dans mon atelier du soir, les mots de la sculpture me font des signes et, tout à coup, je me souviens des paroles de l'ombre dérobées par les hauts murs de la ville.

Il y a deux sortes de participants à la course, ceux qui aiment marcher la nuit et les autres.
Les coureurs d'étoiles y déploient librement le goût de l'infini voyage.
Les personnes fermées à l'aventure ne les intéressent pas. 



Il est dit dans les chants d'une lointaine Hermopolis, qu'un groupe de huit dieux vint à l'existence avant toute création. Ce fut ici, sur le tertre émergé de l'Océan primordial qu'ils façonnèrent l'Œuf cosmique d'où sortit le Soleil.



Ce monde semble avoir été arraché à un espace de totale liberté native pour être enfermé dans le repentir de Sophia. Le mystère de la naissance accidentelle de la réalité, limitée à sa partie matérielle, s'accorde à la temporalité de ce monde, dans l'alternance des feux propulsifs du bonheur de vivre et de l'horreur de vivre. N'importe ! Dans la grisaille de l'aube, il nous faut, coûte que coûte, réinventer des instants de limpide beauté.

Ce que je crois ? Ce que je crois, c'est que l'impossible est possible.

Toute programmation arrête le chemin de l'idée.
Toute explication du monde arrête l'idée du monde. 

Mais, peut-être qu'il n'y a pas encore de monde... et l'aube est encore loin. L'étrangeté de la lumière transfigure le regard du peintre qui habite les transformations étranges du paysage. Ici se rencontrent les hauts de l'île et la surface du ciel. Tout n'est pas découvert, il faut ajouter un rêve de la lumière dans la lumière. 



Cet inattendu retour de nos corps éphémères aux étoiles, chargées de sacré et de volupté, pose la vraie question à chacun d'entre nous : reste-t-il une respiration poésie, une respiration amie à inventer ?
Le mystère de la naissance accidentelle de la réalité, limitée à sa partie matérielle, s'accorde à la temporalité de ce monde dans l'alternance des feux propulsifs du bonheur de vivre et de l'horreur de vivre. 



C'est en levant les yeux vers les étoiles fondamentalement incontrôlables, que l'on se greffe sur l'au-delà ou l'au-dedans. Certes, l'infini voyage est encore invisible aux yeux humains. L'esprit de la nuit ne relève pas d'un temps rationnel, mais d'un temps magique empreint de dieux étoilés. Mais patience ! D'abord éprouver, ressentir. Plus il y a d'infini, plus il faut faire des provisions d'invisible. Le monde céleste des dieux, ça ne s'explique pas mais ça parle au corps, ça donne à rêver. Il n'y a pas d'autre vérité, pour nous en ce moment, que le corps. Et l'eau des yeux est le grand point. 




Qu'adviendrait-il si le soleil de l'imagination
disparaissait au milieu des sept étoiles de la Grande Ourse  ?
Le rêve et la vision se sont tellement atrophiés dans nos yeux rivés à la marchandise et au spectacle, que le bruit des vagues pose du même coup la question de son aptitude à apporter un être d'aventure.
Nous sommes nés en captivité dans une société de l'avoir.
La cohue effrayante qui affluait vers une mécanique de logiciels a peut être tué l'esprit de l'enfant, sa rosée de lumière. Mais peut-on oublier que l'on est né libre d'images imaginées ? 

La musique remplit l'univers et nous avons l'anarchie au cœur.



C'est sans doute lorsque s'effacent les rues du Moulin des Prés, de la Butte aux Cailles, ou des Cinq Diamants, au profit d'un long couloir obscur et humide, que le Passage Barrault se révèle être paradoxalement l'espace où l'on crée : la place libre de la vie.

Une fois encore, je m'embarque clandestinement. Le feu au ventre et les mains serrées sur mes provisions de route. 

Où aller, où retourner sans cesse, seul dans la nuit, sinon à la couleur des barques amarrées ?

Tout résulte, en amour, d'une rencontre hasardeuse, dont l'innocence établie des jambes, des bras, du cou se chargera de reconstituer les jardins disparus.

Mais il faut toujours ne pas tout savoir de l'amour pour continuer à renouer avec le labyrinthe personnel des désirs. 

C'est sans doute par ce point d'inconnaissance que le triangle noir sublime à la lumière, comme un satin iridescent.

Que faire de plus en effet, quand un regard de source dans un emmêlement des soleils noirs, envahit le premier écran de tous les films du monde : la membrane fœtale ? 

Les premières palpitations de ces vastes étendues inexplorées de l'autre monde nous emmènent-elles jusqu'au rivage de l'amour total ? 

En voilà une foutue idée ! 

Les amants se déplacent trop lentement le long du rivage et ils n'auront donc pas le temps de percevoir le chant rapide de l'étoile. 





Des voyageurs aimaient la présence ombreuse de l'Ancien Monde, telle qu'elle se voyait des dieux et se décrivait au pays des hommes, ou sur les berges d'Aldébaran. Et ils entraient dans le sillage de l'ombre lointaine d'une lumière prise au piège des signes célestes.

Les profondes nuits nous relient à la course des étoiles. La terre n'est pas seule dans l'univers et nous ne sommes pas seuls sur la terre. La nudité de la nuit donne à voir la couleur étrange de l'inexplicablement inexplicable. 






Il manque des arbres à la place des murs pour ouvrir le domaine de la nuit multidimensionnelle.

Où sont les chemins buissonniers dans lesquels se croisent des lieux qui inventent, qui s'inventent comme des dessins d'enfants ?

Les images pleuvent de partout, rue Saint Etienne Du Mont, mais elles ne sont que des émotions furtives. 

Ici et là, des mots de murs aveugles, mais point de langage.
Ou un langage aux fenêtres murées, mais point de mots.

L'écrit ? Quel écrit ? Surtout ne pas circonscrire le vif, le vivant. 
Mais avant ? Qu'avons-nous ouvert avant ? 

Une brume du soir plonge dans l'ombre un commencement de l'éternité. 

Et maintenant, c'est cette étoile essentielle, elle-même, qui pleure un sang noir.

Il n'y a pas de monde idéal et innocent.

L'être pur de la nuit pénétrante quitte le champ brûlant de l'imprévisibilité.





Les profondeurs fictives du sommeil oscillent sans cesse de la bourbe à la clarté.
L'île-corps voilée par le brouillard des apparences est toujours en voyage entre des brisants opposés.

Le monde de la corruptibilité est-il le seul que nous devons jamais connaître ? 
Il ne reste plus en lui la moindre percée dans l'inconnu, rien que l'ombre glauque de la mélancolie vénéneuse.

Tabou ? Tabou de quoi ? Tabou de respirer l'odeur salée, l'odeur marine de cette chair ouverte ? 
La tentation est si grande que le désir de l'odeur produit l'odeur.
En un instant d'une infime brièveté, faire tout cela, d'abord sans le comprendre
dans une sorte de liberté native soudaine, totale.

Invitons-nous dans la chambre du diable et laissons-nous glisser
le long des lèvres secrètes de la bouche de l'enfer.
Elle s'est noyée dans un chagrin d'étoile !
Dans cette douceur des larmes, il n'y a pas un seul éclat de nuit qui soit faux.
Tout ce qui se lit sur les lèvres du ventre est vrai. 

Il y a des îles qui ne savent pas encore que des étoiles ont mis en elles de la lumière.
Quelles sont les chances d'évasion de ces îles déchirées ?

La vie est disloquée et l'homme est condamné à l'exil dès la sortie du sexe maternel. 

De deux choses l'une : soit tout est raté et le sera toujours, soit rien n'est joué d'avance et tout est réversible. 

L'astre noir et glacé ne se comprend pas tout à fait sans lui associer la présence d'une entité sombre qui a élevé un mur à la place de la mer. Quant à la chair souffrante d'un libérateur mystérieux, elle éclaire faiblement la route des naufragés. 

La solution est ailleurs.

Le goût de l'infini se faufile entre les moindres failles
et il nourrit toutes les étoiles qui ont jamais été ou seront.
Où, comment, dans quelle circonstance ?
Là encore, aucune réponse n'est possible.

Le matin d'or du lieu de l'émergence écarte l'effroi d'un soleil noir maléfique.

L'attrait de la mer est une idée de forme pure qui fait son nid dans le bassin maternel. 

Je suis convaincu de l'existence d'une autre vie.
Son nom ? L'étoile-île.




Toute femme est habitée, mais combien d'entre elles ont encore en mémoire le point de source ?

Poésie ! Qui peut interdire l'amour d'une visiteuse de lumière ?

Elle avait dans ses yeux une fraternité avec les paysages métaphysiques. 

Le sentiment de la vie, je crois, lui était cosmique, comme le pointillé d'une rivière ancré dans l'éclat de ses yeux pleins d'ailleurs, pleins d'au-delà.

L'amour est une route affamée de libertés multiples, marginales.
Il ne faut jamais lui dire que tu vas l'embrasser. 

Les cris de la lumière déchirent la zone opaque.
C'est la limite du monde profane.
C'est ici que commence une liaison charnelle avec le cosmos vivant.





Mes lèvres s'efforçaient de la toucher. Etait-ce le dessin pur d'un corps et d'un monde qui prenait forme sous les surfaces de couleurs changeantes du sien ? 

Je croyais pouvoir la prendre dans mes mains et sentir l'odeur de la mer sur son visage et sur son corps.

 Ce n'est pas si simple de saisir la liberté d'une voyageuse secrète
 dans l'instant même où l'on s'éblouit d'elle. 

C'est un mouvement des cuisses où l'ombre et la lumière s'entremêlent
 pour sublimer la découverte triste d'une culbute dans le feu de la fente écarlate.




La vie secrète des mots

Des mots couchés sur la mer
ou filant parmi les vagues
étincelaient sur la crête blanche des images.
Ce soir, disaient-ils, il y aura de la brume, des vents.
Mais quand ils te parviendront,
ce sera une mer désertée du ciel,
une mer sans oiseaux.
Je compris que, ce soir, quelque chose
ou quelqu'un faisait ombre
sur mon propre chemin.




Je savais déjà qu'une mer sans oiseaux était une mer désertée du ciel. Mais il s'est produit quelque chose de plus étrange. J'ai vu le monde de l'île disparaître dans les ténèbres : celles des paroles ailées perdues quand il y a des oiseaux sans la mer. 



Il me fallait prendre conscience de la distance entre ce monde et moi, qui n'étais que passant.
Vers quoi allais-je ? Sans mesurer l'exacte distance entre l'origine et l'extrême, je n'en avais pas moins le sentiment d'avoir communiqué mon rêve. 



Ce n'est pas dans la réponse que se trouve la chose principale et inédite,
mais dans la question elle-même. 



Chaque goutte d'eau contient la mer
Chaque grain blond de la lumière contient le ciel





La constellation des lettres G A L A X I E brille dans les yeux de celui qui la regarde.




Mouvement et Espace


Dans le ventre de la forêt, il y a le souvenir d'un monde enchanté.
Un chant revient du fond des âges. Vastes sont les falaises de son nom, de son visage, de sa mémoire.
La porte de la nature est cette force primitive qui nous traverse le cœur
et nous transporte au-delà de l'apparence contingente immédiate.

Un jeune monde souvent traverse cette forêt.
Je connais le sentier par lequel il est arrivé au lac.

Je découvre les traces d'autres voyageurs.
Ils semblent aussi connaître le lieu de passage des rêves.

Les lumières silencieuses sur l'herbe mouillée sont des rêves endormis.
Presque tous les violets du crépuscule s'éclairent.
D'autres cris de la lumière s'infiltrent sous le vert bouleversé.

En haute forêt le soleil est eau.

La liberté intime et barbare de ce monde vert engendre inépuisablement
le souffle de formes inédites et de couleurs inexpliquées.

Peut-être ai-je détecté les traces du grand cerf blanc.

La couleur argentée d'une pierre de lune déploie les ailes
de l'imagination profonde et évasive entre les reflets d'un soleil des confins. 

Je ne peux pas non plus exclure la présence de la licorne brune,
même si je ne l'ai pas vue de mes propres yeux.
D'ailleurs rien ne prouve qu'elle n'existe pas.

La traversée de cette forêt noyée de brume sera à la fois merveilleuse et terrifiante.











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