L'époque des rêves



 
Au commencement, nous disent les chants, il n'y avait que des mots-enfants.
L'endroit-où éclosent-les mots était tombé dans cette planète inconnue à l'époque où les enfants des hommes ne s'expliquaient pas encore ces mouvements des sphères étoilées.




Ils ne savaient rien encore de l'autre vie qu'ils cherchaient.
Leurs lieux d'investigation : les zones d'ombre et de mystère, grottes, forêts, hautes montagnes.



De quelles rencontres avec les étoiles venaient ces clartés du matin qui s'étaient accrochées aux couleurs des feuilles des arbres ? Ils les regardaient courir aux quatre coins de l'île dans le pur dessin et le langage inventé des nuages.




Il existait certainement un endroit dans ce ciel, où les nuages merveilleux de couleurs et de formes, avaient voulu dire à l'étendue universelle de s'ouvrir.




Brusquement, un sourire apparut sur leur visage.
Seule l'imagination par l'amour et dans le rêve pouvait leur donner une piste. 





 C'était le plus souvent à travers la beauté des forêts, des étangs ou des ruisseaux que l'on découvrait les raisons souterraines qui avaient guidé l'aube magique dans le choix de telle ou telle lumière du matin. 




Le regard fixé sur le cercle de vie essentiel, ils virent tout près l'entrée émerveillée dans le champ maternel si chaud, si humide, si resserré. Et la conscience du rêve leur dit : ce sont les mots qu'il convient d'absorber dans les clartés du matin et il est inutile de vouloir bâtir un été sous la mer avec les mots. 



A cet instant du voyage, l'Archer de l'aube pénétra dans une vallée splendide par un passage secrètement ouvert par les dessins-messages et, se couchant sur le ventre au bord de la source aux Quatre-Sacrés, il se pencha vers la fenêtre de l'imaginaire d'où il put ainsi, silencieux et immobile, écouter le poème du jour. 






A travers les rues de Paris
L'œil derrière l'œil


Au bout de la Rue Poulbot, il y a un vin d'étoile, que personne, pas même l'obscurité douce, n'a encore bu.

Je ne pensais pas que le plus lointain se mêlait au plus proche pour le regarder de ses yeux pleins de lumière, pourtant c'est vrai. Dans l'ombre secrète de la lumière, il y a l'aventure émouvante et belle des chemins sublimes et douloureux. Où va la rue Saint Vincent ? Elle semble se projeter elle-même hors de l'espace et du temps. Les moments de silence la poussent vers le vert de nouvelles aurores inconnues des hommes et étrangères à ce monde. La présence de ces rayons de lune révèle autre chose, peut-être l'ombre triste des jeunes larmes d'un ciel désespéré et désespérant. 

Ce que la nuit avait fait à l'angle de la rue Jacob et de la rue Saint-Benoît, le jour le défait.

L'amitié vraie entre un trait d'ombre et une étoile errante demeure l'un des rares champs d'expérience du possible.

J'ai trouvé le chemin esthétique que je cherchais dans les regards obscurs, indécis des rues toujours discrètes, en retrait. 

La Rue des Orfèvres a en elle un bruit du silence indéfini.
Les mots de cette rue ne disent pas le poème, le poème dit les mots de cette rue.

Je m'assois sur le bord du trottoir, passionnément rebelle. 

Il y a dans ma tête un besoin d'infini
Qui abhorre l'argent, le rang, le manque de tendre

Il y a un tressaillement de l'infini
Dans tous les commencements
La porte de pénétration de la cité
N'est pas un lieu géographique
Mais une dimension profonde de l'être
Le visage de l'image nouvelle qu'elle emporte
Est celui d'une promesse du ciel qui n'est pas encore réalisée 

Dans la nuit des mots de murs, un soleil de craie nocturne est une source abondante. 

Trop de longues rues à parcourir  
Visage autour d'un autre visage toujours recommencé
Déplacements sans fin des vies dans la vie

Que serait la réalité sans le sublime apport des brumes du rêve ? Il faut élargir l'espace intérieur des mots de murs, des murs de mots. Partir seul à la découverte dans des chemins de pluie réédités n'importe où, jusqu'à l'horizon nu. Il faut apprendre à parler sa voix, à communiquer son rêve.

La rue des Lombards est une rue affamée de présences
Mais c'est à croire qu'elle parle un langage étrange
Il manque des espaces blancs pour faire silence

Le jazz l'exprime, le jazz lui ressemble du dedans 

Il est sans cesse répété, au-dedans de nous-même, que les voies de la nuit sont celles d'un parcours initiatique réalisé à partir de l'œil intérieur du regard, donc des mots dissimulés derrière les mots.

La présence vraie de la nuit
N'est pas dans le silence de l'ombre
Mais dans la région première
De la couleur bleue la plus sensible
Emouvant retour au lieu d'émergence

La forme et l'ombre sont transportées, leur réintégration dans la lumière incréée est agitée par des spasmes d'infini. 

Le dedans infranchissable déborde ses confins.
Je ne sais pas comment mais je sais quand : l'imagination émotionnelle. 

La lumière de l'instant peut devenir une forêt qui respire, frileusement blottie entre la Rue Crémieux et le Square des peupliers.

Une forêt qui respire n'est pas moins bouleversante que le clair chemin des îles.  

Il y a dans cette Rue Sainte Croix de la Bretonnerie une obscurité lumineuse capable de précipiter un changement de monde. L'éclair d'amour magique qu'elle émet est surnaturellement enveloppé d'ors bleus par l'entrée et les déclinaisons d'un astre octaédrique. 

Nul ne sait où finit la matière
Où ? Comment ? Dans quelle circonstance ?
Où commence le climat de l'invisible
Là encore, aucune réponse n'est possible

Un rayonnement mauve revêtait la chair d'une forêt, tandis que le plus haut des arbres s'enveloppait de bleus encore inexprimés. 

Pour percevoir l'intérieur de l'intérieur, vraiment dans le dedans du dedans, il faut avoir osé entrer dans une bouche de métro, comme on se fraye un chemin dans le corps tendre du désespoir. 

Si tu n'as pas compris à la seconde où tu entrais, si tu ne sais pas encore comment te perdre dans la nuit froide, détourne-toi de ce voyage clandestin. Mais si l'étoile que tu regardes, se niche dans la couleur que fait ta main qui s'ouvre, projette-toi au-delà, ne t'inscris jamais, reste absolument nomade, reste sauvage, reste libre. Je t'aime mon frère !






Je commence à presser contre moi
Ces espaces, ces silences
Et je rêve jusqu'à l'incompréhensibilité
Un cercle d'eau bleue lactée
Qui garde le secret de l'existence nue 




La vie est un long, infiniment long processus dans l'univers. Dans le secret de la nuit, elle propulse des intelligences parallèles venues d'ailleurs, dont les observateurs terriens attendent l'illumination. 



 

Une ligne dans l'espace est née du mouvement
Et cela par la décision invisible d'un centre
Puis ce fut l'entrée dans la seconde des grandes aventures
En résumé, pierre et terre, jardin, chemin d'initiation 






On se demande pourquoi certaines rues nous emportent au loin ; quoi qu'il en soit, tout ce que dit le quotidien est banal et il n'y a plus, sur moi, que des ciels troublés. Mais si l'on veut lier connaissance avec une rue de Paris, il ne faut pas s'arrêter à ce que l'on peut toucher et voir. Il faut aller frotter son rêve ailleurs. 

J'arrive Rue de L'Abreuvoir et je voudrais que l'indicible secret de l'instant et du lieu reste toujours premier, que le rêve se pose au milieu des apparences, mais en même temps, qu'il y ait une extension des moments de silence, pour que la forme et l'ombre donnent un sens à l'expression errante. 

Les ombres menaçantes atteignent les ruelles sombres. Or, ce sont elles qui meurent car elles n'ont pas su trouver un pont de brume permettant d'accéder à la lumière. 

L'ombre tremble à la lumière, elle se dédouble et se métamorphose. C'est dire que toutes les lignes bleues de la lumière reposent sur la relation d'incertitude. Le contact intérieur a besoin d'un grand retour d'écritures nouvelles et neuves. Le jeu incertain des lumières et des ombres se trompe de chemin. Il faut que la lumière de l'ombre trace de grandes lettres de feu dans le ciel noir des mots. Pour la sincérité des idées, pour la légitimité des rêves, pour l'authenticité des émotions et pour le pur plaisir de les partager. 

Les fréquents déplacements de la lumière à l'intérieur de l'ombre renforcent cette impression de clair-obscur et font de ce vaste espace un atelier de l'âme. C'est ainsi qu'est née la Terre sous l'effet du jeu des ombres et de la lumière. Ce monde n'est ni sans peur ni sans reproche, dans un dialogue de la couleur rouge or avec le croissant lunaire, où tous les désordres, tous les amours et toutes les libertés sont permis. 

L'obscurité n'est lumineuse que parce qu'elle habite aux environs de la planète bleue.
Ses lignes de lumière éclairent le chemin d'ombre. 

Les vibrations discrètes de ce vent de naissance chanteront bien mieux les jours et les mondes que l'orgue des Blancs Manteaux.

Lumière et nuit se tiennent chaudement serrées l'une contre l'autre et, de matrices en matrices, la nuit voit le jour au-delà de ses nuages noirs. 




La limite incertaine des profondes nuits nous relie à la course effrénée des étoiles.





Il y a dans chaque forme expressive de la lumière
Des images de sable et de soleil en mouvement 





Une vague pensée adresse un sourire à l'air du soir
Mille idées tourbillonnent dans ma tête
Toutes sont blanches, à l'exception d'une seule
Qui est en noir rouge feu




Quand la Rue de la Huchette s'égare dans le brouillard, à la poursuite d'un emportement de ses profondeurs, ce n'est qu'un petit point brûlant dans les préparatifs de la couleur, à partir duquel s'en-bleuissent les longues nuits du Quartier Latin. 

Mais je sais déjà que ce couloir d'innocence, retourné en dedans, est un lieu qui n'existe que pour devenir imaginaire. Je n'ai jamais soulevé (surnaturellement), qu'un coin de lumière, soudainement aspiré par le sable du silence. 

J'ai les rues du Quartier Latin aux quatre coins des yeux, mais celle que je préfère est dans l'ailleurs. La Rue des Rosiers est une voyageuse secrète, exempte de ces faits et gestes résultant de la pression morale de chaque milieu. Elle en appelle ainsi à une irrésistible envie d'écrire à l'orée des premiers mots, dans un monde où l'on ne sait plus par où commencer notre histoire. Le poème qui n'est pas encore écrit est l'étoile manquante qui court le Quartier du Marais. 

Mes amitiés de voyage n'habitent jamais que le passé ou le futur. Elles sont dans la nostalgie du silence obscur d'un square, pas dans le présent de cette pluie rue des Trois Frères et me laissent enfin rejoindre la rue Lepic dans l'espérance d'un lendemain. 

La Place du Tertre n'est plus qu'à quelques encablures. Elle m'offrira l'inimaginable : la Lumière sur l'autre rive. Complète, totale, absolue. C'est le cœur de l'âme de Montmartre avant la naissance, qu'on entend battre ici. Où aller, où retourner sans cesse, sinon à cette Butte ouverte, immense d'étoiles ? 

Rue des Saules, le monde s'avance jusqu'à ce que le secret des sources s'arrête. Je crois qu'une étoile n'oublie jamais un visage de la Butte, qui est resté dans sa lumière aussi longtemps. C'est ainsi qu'une rue de Montmartre redevient une pensée magique à l'état nu et pur.

Je me suis arrêté sur la Place de la Contrescarpe, pour me répéter tout bas le sens caché de cette lumière. Serait-ce une plage claire dessous les pavés ?

Les mondes visible et invisible interagissent
Dans une alchimie trop souvent méconnue
 
Les témoins attentifs de l'invisible
Sont au centre du cosmos
Dans la mesure où ils l'habitent 

La surface vivante de son corps
Est pareille à celle de cette page blanche
Qui peut être d'aube
La chercher, elle est désir








Lorsque le ciel et la terre
Seront brusquement arrachés l'un à l'autre
Les îles, dernières incarnations des étoiles
N'existeront que par les rêves infinis d'autres mers, d'autres voyages







Photographier la Rue Saint Louis en L'Île, cela veut dire faire parler les formes de la lumière. Dans cette rue, ce qui m'accroche le plus, c'est la séquence de cette lente émergence des visages et des corps, hésitant entre la moyenne lumière et l'extrême lumière. L'insularité jointe à l'extrême calme de l'instant, me révèlent les raisons de ma préférence pour le regard et pour le souffle du feu secret de la matière. Les îliens et les passants se croisent ici dans une sorte d'entre-temps.

Il ne faut pas négliger la ressemblance entre la porte de l'imaginaire et les entrées du monde extérieur ; elles aussi sont des grandes rencontres dans la barque du poème.

L'orange de ce monde s'ouvre comme un village matriciel. 

Place des Vosges, des liens confus et contradictoires se brisent dans la lumière du matin. Les formes follement douloureuses qui m'entourent se construisent de l'intérieur vers l'extérieur. Est-ce une traque de l'inconnu ? Je les observe dans ce ciel et je crois voir un reflet du voilier de ma nuit, de mon aube et de mon soleil. 

La progression d'une pluie de feu m'intéresse tout à coup beaucoup plus qu'une nouvelle liaison avec mes escales nocturnes. Rien qui rappelle la voix songeuse des lointaines brumes, et du plus vrai qu'il m'en souvienne, peut-être y-a-t-il eu la signature de la lumière. 

Les portes intérieures ne disent rien non plus sur l'époque des songes. L'oubli des origines a verrouillé l'imagination créatrice. Visages autour d'autres visages toujours recommencés. Ils ont eu pourtant de beaux yeux, qui n'avaient de cesse d'affirmer leur confiance dans les forces de la vie. 

Nul ne sait où commence le climat de l'aube
Excepté, peut-être, les astérismes secrets
Des perceptions d'autres mondes, d'autres réalités
Par la seule force du regard universel et libre des étoiles

Nous sommes seuls
Seuls comme des étrangers
Et des voyageurs sur la terre
Qui s'efforcent, mais en vain
De comprendre les oiseaux en vol
Seuls dans un état de rêve
Comme des naufragés de l'enfance
Qui dépendent des craintes irrationnelles
De ce lieu autant que de ce temps 
Rappelant sans cesse le lien invisible
D'une faute originelle
Et d'un châtiment

L'incursion obscure de la poésie met à nu les raisons qui ont entravé l'ardent désir de se marier à l'idéal. J'aime cette densité rare des rencontres de la nuit, quand la lumière et le regard, l'eau des yeux, épousent le souffle et la forme des déplacements de l'ombre. C'est aussi le ressort des hantises nocturnes les plus effroyables. Pourquoi le combat amoureux de l'origine s'achemine-t-il vers la forme définitive de sa contamination par la mort du feu ? Il en résulte une longue nuit, où le soleil factice des lampes n'a d'yeux que pour notre faim de vraie lumière. D'abord crépusculaire, puis diaphane, elle a longtemps tenté de renouer avec l'eau de la nuit enfermée dans la lumière. 

Nous sommes pris au piège des signes célestes. Comment les chemins de l'ailleurs vivent-ils l'angoisse et le découragement de notre errance désespérée ? Il y a trop de secrets dans les étoiles. J'ai essayé de les suivre un long moment dans le noir et dans le nu, mais les rêves et les aspirations qui déambulaient dans le Parc Montsouris, étaient emportés de l'autre côté du ciel. C'est mon obstination à vouloir escalader les hauteurs qui, de toute évidence, m'a fait arpenter les profondeurs de l'être. Construire là-haut revient donc à se faire une vraie place dans un monde de beauté au-dedans de nous. 

Je veux parler d'une alliance bouleversante avec l'ombre de l'ombre.
Chaque immersion trans-personnelle porte en elle une fragilité d'entrelacement.

Là, l'appel des étoiles et ici, l'anéantissement. 

L'obscure plage incandescente de l'amour
Sera celle qui parviendra à n'habiter jamais
Que ses sources opposées aux terreurs du ciel

Les mains de l'homme ont manqué d'aimer.

Le climat de douleur fait davantage penser à un paysage noir d'Alioth.

Nous ne sommes pas encore nés à la lumière et à la vie du monde d'à côté. 

J'au cru voir en toute femme la forme-signe du rêve 

L'île de chair matricielle
Dans l'île-corps Jetée 
Perdue et retrouvée
Dans les sables invisibles
De la grande attractrice

Il-lui-l'homme-moi-je suis à partir de la courbe lisse de sa prairie vivante, parce qu'elle me porte d'abord dans les ondes marines de son ventre, auxquelles nulle expulsion violente, désormais, ne peut venir m'arracher.

L'autre est un mystère
Il y a deux sexes différents
Il y a deux mondes différents
Et pourtant l'un est l'autre 

Les voiliers de ce premier éveil du soleil se sont posés sur une mer parsemée de terres nomades, fleurs éparses dans le bleu lumineux. Il y a de la clarté dans les regards, il y a une étonnante fraîcheur dans le toucher et aussi un frisson nouveau, parallèlement à la blancheur de la chair neuve. Qu'il est doux l'alcool de la chair, quand se prolonge l'heure éblouie, déroulée d'entre les draps et les couvertures, et que les étoiles tremblotantes du petit jour nous regardent. 

Tout est à faire par les mots et tout est à dire par les actes. D'abord, s'échapper. Choisir sous la surface une image d'elle. Et revenir à chaque éclat de son regard, de son silence. Qu'est-ce que le sourire si pur, s'il n'est qu'un regard et non un être ? Refaire de l'intérieur l'itinéraire d'une nuit imaginaire et d'une rivière de solitude miroitante et diaprée. Se glisser dans la lumière de sa chambre. Ecouter son cœur, ses yeux, sa vie profonde. Ecouter d'où vient l'étoile vivante dans sa poitrine et où elle va. 




Une grotte-ventre s'ouvre et s'éclaire en quelques secondes.








Le cœur de la forêt est l'endroit où l'aube paraît
C'est sa seule défense au milieu de l'ombre





Il n'y a rien ici que des déplacements de l'ombre
Qu'une source souterraine absorbe dans le bleu de la nuit
La lumière s'est extirpée de l'ombre pour chercher la fraîcheur
Dans la clarté et la blancheur d'une galaxie





J'entre dans ce pub, rue Gay Lussac, aussitôt je perçois au-delà des regards, mon propre voyage immobile, sans que la chaleur de ma liberté intervienne dans la profondeur de leur sourire.

La Rue de L'Estrapade est heureusement très proche et très étroitement liée à la respiration poésie de ses nombreux graffitis. Les émotions violentes sont incorporées dans ces mots de murs. Soleils de craie nocturnes. Car la rue est un moyen d'expression directe. 

La multiplicité des signes-messages, existant dans l'expression murale, se retrouve aussi sur d'innombrables objets peints ou sculptés. 








L'invention du passage est d'une autre nature et relève d'une autre esthétique. 

La Rue du Fauconnier file en ligne directe vers le lieu de passage des rêves. Le promeneur suit les traces, aussi fébrile qu'elles, pour atteindre un abri, une caverne ou une niche brûlante de soleil.

Pour effectuer le passage d'un monde à l'autre
Il faut que la lumière soit directe, sensible
Comme une musique de l'aube
Dans un espace nu, radical

L'accession à la lumière attend une coordination d'instants. Est-il possible d'éprouver deux mondes, de ressentir deux lumières en même temps ? L'espoir rimbaldien envolé d'ouvrir un être nouveau sur l'aube, s'est heurté aux turbulences de la médiation entre les deux rives. L'inconnu est bien là, mais retombé dans le nouveau. Devenu rue, le point du jour redevient lieu. Le mystère de son regard fait demi-tour, et l'idée fugace de réveiller l'immédiateté de l'être, le suit. 

L'accession à la lumière, n'est-ce pas aussi, en même temps,  la forme primordiale et universelle de la Terre. L'homme qui en est exclu, devient étranger et indifférent à l'annonce de l'aurore et à l'essor du soleil. 

Les yeux de la Rue Saint Paul errent délibérément parmi les spectres multicolores. Cependant, tout cela n'est beau que tant que la couleur, retournée en dedans, redevient un dessin directement relié au mot. Dedans la couleur, il y a un murmure de source. Je m'y engage. 

Rien n'aura eu lieu que le lieu, croyez-vous ? 

La Rue des Fossés Saint Jacques est déjà reprise dans les saisissantes volutes de l'aube. 

Le sentier de la quête
S'est perdu dans les brumes
Le sentier de la quête
Est proposé, jamais imposé
Mais, le sait- il lui même ?
C'est dans l'eau amniotique
Du poème, qu'il se trouve

Nous nous faisions une étrange idée de l'apparition du soleil et de la lune et des étoiles. C'était ce dont nous étions certains, au fond, d'avoir rêvé.  Nous sommes venus au monde, en quelque sorte, en ayant déjà nimbé d'argent bleu les étoiles. Les regarder ruisseler en silence, c'est refaire notre itinéraire en sens inverse, car il faut qu'il y ait des points de source, tout simplement. 

Les étoiles chantent avec les arbres, ou avec le sable de la plage dans toutes les formes de la lumière. Chaque étoile est une voix unique. Les enfants savent immédiatement que les étoiles possèdent une voix secrète identique à la leur, parce qu'ils ont vécu sans le visible, en communion d'amour avec le monde. 

Je te dis à toi, mon île sœur
Que je rêve d'accrocher, moi aussi, un appel de pureté
Au bord d'une étoile à ma feuille de route
De me mettre à sa recherche sous les mots
Principalement les mots qui s'éblouissent à l'intérieur de la main
Toujours ils se sont écrits avec les yeux
Comme toi, île, petite image de l'éternel
En toi, tout ce qui s'écrit fait la nuit plus bleue
Et bien plus ronde encore que les jours

Une chose est certaine 
Nous reprendrons la forme que nous avions
Avant d'être nés sur terre 




Dans le ciel comme sur la terre
Il faut que l'impossible soit possible




L'invisible, pour exister, doit être atteint dans l'origine
Et il est très troublant de penser que le rêve des origines
Implique le postulat d'une aurore virginale




Qu'y-a-t-il au-delà de la nuée ? 
L'ombre des étoiles prend le pas sur le rationnel. 
Jusqu'où peuvent aller tout l'imaginaire, tout l'affectif, tout le symbolique ?




Mes pas résonnent dans la Rue des Guillemites, et la lumière de l'ombre me mène où je n'aurais jamais consenti à aller. Mais, à quoi bon détourner les yeux de ce couloir des ombres ? 

Derrière les miroirs, au fond des nuits, surgissent des visions étranges et fantastiques. La forme d'un moment se dresse, telle qu'un atelier d'étoiles imprenable. 




A-t-il un nom cet objet, qui ne sait pas encore qu'il est toujours en avance d'un poème ? L'interprétation inventive de l'objet-poème est ici et pourtant elle n'est pas ici. Elle est maintenant et pourtant elle n'est pas maintenant. D'où est-elle ? Et quand est-elle ? 




Toutes les lignes d'ombre sont là, invisibles de l'extérieur. Peut-être cherchent-elles à pénétrer intérieurement la surface d'inscription ou d'affleurement des mouvements de l'objet. Elles envahissent si bien l'écoute et la distance, qu'elles se propagent sur les écrits de la lumière perdus dans la nuit. 

Une seule chose suscite mon intérêt : le goût du merveilleux, cela seul qui importe ! Par tous les temps. Sur toutes les mers. Et dans toutes les conditions d'expressivité imaginables. Sans cesse, une urgence expressive individuelle poussée à l'extrême côté du cœur. Voire au-delà. 

La part obscure 
N'est qu'un bref entretien 
Avec l'intérieur de l'ombre 
C'est l'insolite de la forme qu'elle convoite
Mais dont elle ne doit jamais rien chercher à savoir 

La part d'ombre est la part sacrée de chacun

L'ombre de la lumière est une saine conjonction des contrastes. L'ombre de l'ombre a donc préféré consacrer ses forces à d'autres buts, moins séparés de ses images imaginées. 

J'aime la présence ombreuse 
De l'autre monde
telle qu'elle se voit des dieux 
Et se décrit au pays des hommes 

A cet instant du rêve, les surfaces et les formes de la nuit laissent apparaître l'écriture minuscule légèrement transcendée de nombreux dieux étoilés. Ce qui est à un moment un point, quelque part dans la constellation des lettres G A L A X I E, devient l'instant d'après l'amour rêvé d'un visage, d'un paysage et d'un corps, dont le visible n'est certes que l'apparence, mais aussi l'éternel accomplissement. 











Les rues ont la parole, et la parole est différente pour chaque rue. La multiplicité des types d'associations intimes, existant dans le périple nocturne de nos lointains intérieurs, se retrouve subitement dans l'immensité des rues innombrables. Les éléments visuels se cachent encore dans les replis inexplorés de l'obscurité inséparable de la lumière. Il faut trouver la Place essentielle, parce que c'est précisément l'espace où l'on crée. Je veux dire  la place complètement libre et puissante de la vie. 

La Rue Elzévir fixe le chemin
D'où je vois arriver un fragment d'éternité
Engourdi dans l'immensité de ses étoiles

La nuit s'avance Rue Barbette. L'appel des formes de la nuit en liberté me laisse entendre, que tout peut être changé de ce qu'elle était dans le jour.

Il me faut prendre conscience 
De la distance entre ce monde 
Et moi qui ne suis que passant

L'enfance est brève, instantanée. On voit comment le corps, trop intimement lié à son enfance, contient à chaque instant la douceur de sa tristesse. Les nuits de l'enfance lancent au monde bien rangé des grandes personnes le dernier or des étoiles, qu'elles ne peuvent ou veulent apercevoir. Ce monde en perte de remontée vers la lumière, ressemble à un inextricable réseau de vibrations de l'ombre. Un marécage où les chemins de l'invisible s'embourbent à l'ombre de la seule initiation possible.

Enfance ! 
Enfance est le nom d'un pays de la Terre pure. 

Quelque chose manque, peut-être un chemin d'étoiles, jusque dans ses ciels, ses fuites. Notre lumière n'est plus qu'une ombre approximative de l'île blanche première. Comment est-ce, mers et montagnes, possible ? Pourquoi l'enfance lumineuse et claire est effacée du monde ? C'était ici que le sable, probablement attiré par le nuage, espérait un dessein intelligent des étoiles. 

Il ne manque qu'une minuscule petite île de sable et d'argile, enroulée en rond sur le ventre de la mer. La voici !  Il suffit d'un regard, d'un mot, ou d'un signe pour atteindre l'autre rive. Oui, il est possible d'exalter le couple ciel-mer à partir d'un dédoublement : plus on est confronté à la zone du vent, du soleil et des étoiles, plus l'île de l'île enlevée, élevée est révélatrice d'un autre discernement dans tous les lieux. 

La forme doit être construite du dedans au dehors, comme semblablement le visage enfantin, qui évolue lentement dans l'eau, en prenant garde à ne pas perdre ce secret au centre, qui est son aurore naissante. On dira sans doute que l'enfance inventée et reconstruite, par l'obsédante sensation d'un Autre tout autre, est impossible à saisir. Je pense, au contraire, qu'il faudrait l'étendre à tout et à tous, afin que jaillisse et grandisse l'ombre excessivement blanche de la Source de toutes les sources de la mer. 

Tout n'est pas découvert, il faut ajouter le rêve de la mer dans le rêve du soleil. Le Rêve par excellence ! Le rêve de la lumière dans la lumière. 

L'eau des yeux est le grand point
Chaque individu contient le monde
Un seul monde les contient tous

C'est sans doute lorsque les flammes d'un feu originel crient des chants dans la nuit, pour appeler le monde d'à côté, que les formes connues s'effacent dans la nature au profit des extraordinaires écritures de la lumière. 

C'est l'itinéraire particulier de l'objet, dont on entend l'être véritable pour la première fois, qui a fait la forme construite de l'intérieur vers l'extérieur. Par là, les moments de détresse se détachent doucement de la plaie secrète, et ce bout de lumière nous offre la possibilité de nous délivrer de la grossièreté des choses. 








 

Ce qui naît dans l'espace froid de la Rue de Braque est engendré par l'éclair des rêves de la nuit. Il n'y a rien ici que des déplacements de l'ombre, qu'une source souterraine absorbe dans le bleu de la nuit. Trop d'insistance sur cette rue étroite et humide pousse l'espace exigu à s'exiler. 

De dérives en égarements, les ombres qui s'accumulent tracent un chemin qui, lui même, exhale une saveur de la mort.

Le royaume des ombres est l'objet d'une malédiction. Malheur à celui qui caresse les ténèbres, se tournant d'abord vers l'ombre de la lumière pour soumettre la douleur et la fatigue.

On me dira que le voyageur égaré s'enferme dans ses mondes fictifs, n'acceptant autour de lui que la présence de l'invisible. C'est vrai et c'est faux, c'est faux et c'est vrai. 

Je comprends mieux à présent pourquoi l'expression de la lumière est un cri. La lumière s'est extirpée de l'ombre pour chercher la fraîcheur dans la clarté et la blancheur d'une galaxie voisine. Laissons-la inventer, s'inventer dans l'étroit lien de ce port de l'espace, afin de réveiller le rêve de la pluralité des mondes. 

Est-ce que nous sommes prêts pour l'aventure ? La peur est du côté de l'inconnu, du côté de l'ailleurs. La peur est une ombre vague qui remue dans les solitudes et les émois, elle n'attend plus que son immersion dans la respiration des mondes. Mais cela signifie également quitter le pays qu'on aime, nos sensations pures, qui ont fait le choix de rester au plus près du corps. 

J'entends la respiration douce de l'esprit du lieu. Il a fallu ici un puissant désir de douceurs et beaucoup d'étreintes d'ondes profondes. Doucement un matin, elles sortiront de leurs limites pour atteindre la jeunesse de leur corps. Toutes les vagues de toutes les mers dessineront dans la terre le rivage de la protection souveraine. 

La lumière est un mouvement de conversion vers les multiples chemins de l'aube. La courbe de cette rivière n'est pas seule au monde. Les étoiles s'éblouissent à la surface de l'eau. Nous ne sommes pas seuls sur la terre et la terre n'est pas seule dans les profondes nuits qui la relient à la course des étoiles. L'Aventure nous attend. 

Le noir et le nu rendent sensible l'infini.




Les sentiers de la forêt se chargent d'affects pendant la nuit

Nous sommes du cosmos comme d'un arbre mère
Et cet arbre de vie est ascension de la terre dans un soleil spirituel







L'aube secoue des bleus dans la trame de l'espace-temps
Du fond de la nuit remonte la rosée du temps




Au pays de la poésie, il pleut avant l'aurore des mots éperdus. Désespérément ils nous font des signes. Qui sont-ils ? Et qui les fait ? Nous ne savons rien de leur couleur, de leur respiration dans le cosmos. Dans la mer de vie, ils cheminent en pensée, en âme et en souffle d'esprit-chair.   

L'espace intérieur des mots est une île à l'envers, qui marche dans la nuit bleue de la mer vers on ne sait quel acte de poésie pure. Toute surprise émerveillée de bleu, de gris, d'argent est inexprimable. C'est cela, nous le savons, qui justifie notre possible de noir bleu enfoui, caché à l'intérieur d'une grotte. 

L'île est fermée ? Nous en rapportons des mots. Mais, de l'autre côté il n'y a rien où ils puissent s'accrocher. De quels sables invisibles, les mots sans vie sur une page imprimée, sont-ils l'image présente ? 

Une île ne peint pas une couleur distincte de la mer céleste qui la conçoit, même si elle est une lumière distincte de l'étoile qui l'illumine. Car la mer est dans le ciel : c'est la nature de son lien avec l'univers. Or, nul ne peut ouvrir l'intérieur de la mer, les minutes dans les minutes infiniment, la forme même d'un moment, et le premier million d'années qui vient d'au-delà des étoiles.

Nous ne faisons qu'effleurer le rivage de l'amour
Nous ne savons pas atteindre l'invisible dans l'origine
Parce que nous ne savons pas rendre le métaphysique physique





Si des îles à l'envers
remontaient un matin
à la surface,
mais ne remontaient
au jour
que pour ne plus être 
à la mer,
je dirais comment les oiseaux
nagent dans le ciel,
je dirais comment les poissons
volent sous l'eau,
je dirais pourquoi l'eau céleste
qui n'est pas perçue
est le bleu perdu
d'une liquidité marine originelle.

Mais personne ne le croirait.

Si la mer avant la mer revenait,
j'écouterais s'il pleut
très loin, très haut
du côté d'Eridan
ou d'Antarès,
je serais de ciel
et cependant
je serais de chair.

Mais personne ne le croirait
 


Je sais, vous pourrez ne pas me croire. Nous sommes installés depuis peu dans le coquillage marin, mais ce sera différent dès que nous irons découvrir le fond de tout autre chose. La mer, ce n'est pas seulement de l'eau bleue. Regardons la de toute la force de nos yeux. Qu'avons-nous regardé jusqu'ici ? La mer est le seul ciel à s'ouvrir et les vents qui la traversent franchissent les limites du monde. 

 Au commencement, nous disent les chants, il n'y avait que des mots-enfants dans la zone sauvage de la mer, de la pluie et de la soif dans les soleils. Il faisait infiniment pur, c'est vrai, mais les sons-mots du monde ne s'étaient pas encore resserrés. Les uns cherchaient refuge dans les forêts, les étangs ou les ruisseaux, d'autres semblaient filer comme des flèches vers la musique blanche des aubes. Dans leur caverne d'air et de vent, ils ne savaient rien encore de l'autre vie qu'ils cherchaient, car depuis peu ils devinaient l'éclat de la lumière, mais encore confusément. Mille questions les assaillaient et ils avaient une envie irrésistible de les poser toutes aux mille voix-images de la nature. 

Ils choisirent d'abord un lieu de rencontre entre le ciel, l'eau, la terre et l'homme. Prélude à l'harmonie native de tous les regards de la nature. Dans la brume brillante, tandis qu'ils dérivaient ensemble sous le vent, le seigneur de la maison rouge de l'aurore avança la main et ébouriffa les nuages de Magellan. Et maintenant, se demandèrent-ils, quel chemin prendre dans cette région de la vie ? Très vite, une communion d'esprit et de sentiment s'établit entre les mots pierre et les mots pluie.  C'est là qu'ils se sont tous glissés dans la poésie intérieure de la nature et du cosmos, les traqueurs de traces et les rôdeurs de l'absolu.











Pour aboutir à une forme claire,

il me faut d'abord rendre à la lumière 

le noir et le nu de ses cris

 

La grande ombre verte de la forêt

recèle le secret des chemins nomades 

qui est ouvertement révélé comme

étant l'apparence visible de l'invisibilité


Je crois percevoir une voix

qui appelle de la cité radieuse

Un passeur de ciel en ciel a fait son apparition 

Il est celui qui vient de l'Innommé préexistant 


Qu'est-ce qu'un paysage

si il n'est qu'un regard, 

une aube sans paupières 

et non un être ?


La nuit s'attache

interminablement à nous

C'est elle qui rassemble

les morceaux d'invisible éparpillés


Vers quoi allais-je ?

Sans mesurer l'exacte distance

entre l'origine et l'extrême,

je n'en avais pas moins le sentiment

d'avoir communiqué mon rêve


Mers contre Murs


Les cris de l'espace se perdent

parmi tant de déchirures de nuages

Et lentement, infiniment lentement

une ronde des lunes

fait voyager son bleu pâle

d'un clair de nuit à l'autre


 La lumière frappe les murs

Et son ombre se projette sur les mers


Dans les yeux sont tous les mondes de tous les univers

L'enveloppe extérieure de l'indicible

les lie, les rapproche, les éblouit

mais beaucoup ne la voient pas


Dans l'univers des chants de l'île,

la mer noue avec le ciel

des relations d'être à être

La mer et le ciel

forment un couple vivant


L'éclat bleu furtif des portes de la nuit

renouvelle son approche de ce beau secret


Il y a un cri perdu de la lumière

dans les ombres  noires inhabitées


Entre l'opacité et la transparence,

il y a l'état de non-manifestation

Je ne désire que la clarté diffuse

dans la trajectoire réelle de l'ombre

Les nuits aussi ont leur barque blanche

pleine de vent clair


Un chant lumineux appartient

au rituel nocturne de la rivière

Toujours, toujours

Il naît de la rencontre

de la chaleur des étoiles originelles

au contact de l'onde de leurs yeux glacée


Les odeurs d'eaux pâles dans le souffle du matin

sont absorbées dans leur propre silence

Le jour qui se lève est, par essence

l'expression désenchantée de la nuit


Il y a un autre monde dans le monde, où l'on peut choisir une forme de l'eau, comme on  choisit un coquillage. Je me souviens d'un ciel rosé par l'aube. Il n'y avait là ni dessin, ni même image. Une rose suffisait à son âme en voyage. Un autre paysage avait cependant surgi de la transparence vers toujours plus de beauté. C'était toute la féminité de l'être qui se lisait à fleur de rose. 







La mer matricielle agite ses souffles
L'air libre de la nuit se perd à chaque instant
dans la chevelure de la mer

On regarde le regard d'une étoile,
peut-être pour recevoir quelque chose,
un retour à l'intérieur de soi-même

L'absence opère de loin
depuis son ombre,
pareille à une île à l'envers
qui affleure sous la surface

L'eau noire de la nuit
exprime au mieux, en pulsions
les images écrasées de silence

Les pluies de fleurs n'ont rien à redouter 
de ces eaux sombres
Peut-être que si l'on ajoutait du silence vivant, 
on obtiendrait un frémissement de tendresse
 
L'aube secoue des bleus dans la trame de l'espace-temps
Du fond de la nuit remonte la rosée du temps
Oser franchir la porte 
qui ouvre sur l'indéfinissable
Les visions lumineuses y reconduisent l'esprit
Et peuvent émettre au-dedans la voix des étoiles
Des ombres nues et froides flottent dans l'air
Dans leurs yeux nocturnes je lis que tout se cherche, tout se souvient

La multiplication indéfinie des songes
Traverse parfois le royaume précieux
Inventé d'une entité immatérielle

Le plus obscur de la nuit, on y entre souvent
Comme pour une rencontre avec l'inimaginable

Celle qui n'est plus et ne peut être
N'est pas morte pour toujours
Elle dormait dans l'aurore 
Et j'ai vu courir un corps plein de soleils
Il était poursuivi 
Par toutes les blancheurs assemblées de l'aube

Je le sais bien, les couleurs du blanc ne se posent pas
 Immuablement sur le bord des nuages
Et ce sont elles qui creusent le silence du ciel

La haute route des aubes blanches est lancée 
sur les ailes d'une lame de fond
Quelle que soit l'issue, les merveilleuses traces de vol 
explorent dans les grands courants d'étoiles
d'autres univers vibratoires

La nuit a de longs silences bleus
Quelques instants avant la pluie
Comme de longs cheveux merveilleusement tombés du ciel

Les formes de la nuit s'habillent de bleu e
t s'enivrent d'ombre violette

Les verticales timides de la lumière imprègnent la brume de mes yeux

Nuits couleur de sable qui vous immiscez intimement
Dans la couleur de lumière des mers inconnues
Toutes les approches guident en vous et par vous
Tous les chants d'innocence des îles innommées

Presque tous les éclats de nuit sont des regards
Qui tremblent devant une lumière merveilleuse

Le sable des mots est incroyablement doux

L'ondoiement de la mer nocturne et matricielle
est plus brillant que l'aurore

La mer apparaît au plus intime 
de son immense regard bleu,
comme un corps de millions d'étoiles

L'ombre qui se pense lumière trouve la force
d'entrer dans une grotte
 ouverte au flanc de la colline

Le vent écoute en lui-même frissonner des ombres
C'est là-bas, dans les sables mouvants de la nuit 
Que se manifestent des présences surprenantes


Il n'est qu'un lieu où tout arrive, c'est la clarté imprécise, 
secrète, imprévisible

Il n'est qu'un lieu où tout se regarde et où tout s'écoute 
C'est la première forme imprévisible du matin
  
Le souffle du matin baigne encore dans les eaux maternelles.
Cette clarté première 
a donné naissance à la possibilité des chemins,
des contacts, des messages

Il en est de ce monde comme de l'autre
Sous les paupières mouillées de l'aube offertes aux regards clairs
Ils baignent dans le même liquide nourricier

La parole errante
Est une idée que l'on invente 
Au fur et à mesure que l'on vit
Son ombre longe les murs
La lumière la suit doucement
Et ce qu'elle éclaire avec ses yeux 
Disparaît avec des mots de craie

De pâles silhouettes s'en vont mourir 
Dans le cocon de la nuit

Rien n'est certain dans ce monde, mais tout est possible,
l'instant d'un regard arraché au temps dispersé,
dans la conjonction d'un sentiment de jour et d'un sentiment de nuit

Il y a des regards qui nous invitent et nous attirent 
comme une entrée d'un autre monde

La nuit s'éveille
Les étoiles pleuvent sur la terre
Dieu est ton ombre, dit le psaume
La lumière dans l'ombre se repose
Et le noir sublime à la lumière
Pour la voir, la toucher, l'entendre, la sentir et la goûter

Les villes où nous étions de passage 
s'enivraient de marchandises et de spectacles
Et la lumière multicolore pleurait 
comme une lumière jamais n'avait pleuré
 
Nous avons poursuivi notre fuite
 Dans des averses de lumières
Loin, toujours plus loin
 Dans des chemins d'étoiles













 

Commentaires

  1. vos mots sont très beaux mais le français n'est pas ma langue maternelle, donc je ne comprends que partiellement. mais tes photos sont incroyables / tomas liden video art

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Tomas, merci de ta visite ! L'imagination poétique est un état d'être qui dépasse les barrières linguistiques.

      Supprimer
  2. Bonjour Claude, votre blog a l'air très bien et j'attends avec impatience d'autres articles. T (MofK)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Trevor, la claire lumière de la réalité des mots recommence tout, recommence la vie. Merci mon frère :-)

      Supprimer
  3. Ici, je suis cher ami! Une salutation! Primitive In The Extreme 🎶

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. A quelle heure est la poésie ? Nous ne savons pas comment, mais nous savons quand : l'écriture. Ciao fratello mio :-)

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog