La liberté dans les veines et l'anarchie au cœur

J'aime le bleu de la nuit
Et je ne crois pas à l'exactitude des territoires
Voilà pourquoi je suis anarchiste

La parole errante
Est une idée que l'on invente
Au fur et à mesure que l'on vit
Son ombre longe les murs
La lumière la suit doucement
Et ce qu'elle éclaire avec ses yeux
Disparaît avec des mots de craie

Au pays de la poésie
Il pleut avant l'aurore des mots éperdus
Désespérément ils nous font des signes
Mais nous ne savons rien de leur respiration
De leur couleur dans le cosmos
Nous sommes séparés par toute la longueur du ciel
Nous ne sommes pas de leur pays
Nous ne respirons pas les mêmes aubes
Qu'eux, ils respirent avec nous
Ce sentiment de l'exil glisse dans la peau du monde
Et verse son noir dans les feux très secrets qu'il irradie


La respiration poésie

Je ne sais ce qui ramène au jour
L'image obsédante de celle qui abrite
Et protège et regarde jusqu'au fond

Sait-il au moins
L'enfant dans l'homme
D'où il vient ce lointain intérieur
Et quel est le visage de sa voyageuse secrète ?

Les hommes naissent
Sous les cavernes creuses
Enlacés à une étrange étrangère
Puis ils quittent son corps pour parcourir seuls
Cette couleur de terre, cette couleur de lumière
Qui les fait passer de la visibilité primitive innocente
A la chute extatique de l'ange

Leur image est absolument nomade et migre en permanence
Ils sont comme ces étoiles qui cherchent leur lumière dans le cri des vagues

Ainsi surgit une aurore oubliée en proie à une profonde solitude à l'intérieur du temps

Je me suis longtemps posé cette question
Est-ce que la visiteuse de lumière est venue d'ailleurs
Ou est-ce qu'elle est venue d'avant ? 

Elle, c'est la joie de se chercher
Grande joie pour le plongeur
Devant les yeux de la mer
Qui n'en finissent pas de rouler dans le ciel

Je rêve de ma prochaine rencontre
Avec l'étrange inconnue qui me souriait
Sur une île au milieu d'un grand lac
Une clarté froide inondait son visage
Dans ses yeux, j'au cru reconnaître le lien étroit
Entre les fils de mon rêve et le bleu soutenu de la nuit
Ses joues couvertes de sable blanc frôlaient les miennes
Nos regards s'entremêlaient et s'exaltaient l'un l'autre
Et la grotte dans laquelle nous trouvâmes refuge devint notre océan profond


La Forêt-Monde

Il existe dans la nature une fratrie primitive des verts
Dont le langage coïncide tellement avec l'universel
Qu'elle peut s'unir à l'infini, à l'illimité

Le long de la rivière aux verts tendres
La sculpture vivante des arbres respire

Nous avons donné le nom de Forêt à un oracle du vert
Qui se révèle être plus haut que notre intention esthétique

Le vert des feuilles change sur une vectrice horizontale
Avec les yeux qui le regardent

Le vert profond et tout le rouge donnent à boire à notre cœur

Je laisse errer mon regard sur l'horizon nocturne
Derrière moi, la forêt s'emplit de mythes et de légendes

Il est établi que le temps pur dans l'île de la forêt est ce chemin
Où l'on se perd pour primitivement mieux se retrouver

La grande ombre verte de la forêt
Recèle le secret des chemins nomades
Qui est ouvertement révélé comme étant
L'apparence visible de l'invisibilité

Il est vraisemblable que les mythes d'origine servent de réflexion
Dans notre transposition du rêve dans la réalité

L'imaginaire de la forêt révèle tant de choses !
Le monde, le vrai, celui qui baigne dans un liquide d'argent

Si on laissait entrer les mots dans les images et si on laissait entrer les poèmes dans les objets, il est probable que plus personne ne pourrait ignorer le mythe de la forêt préhistorique peuplée d'êtres fantastiques. Le temps est loin cependant où le fabuleux se mêlait au réel. Qui aujourd'hui fait appel à cette terre imaginaire ? Qui la laisse naître librement ?

Les heures fraîches de l'aube m'ont tellement habitué
A la présence d'êtres féériques, que le système des adultes
Me paraît encore étrange

Dans le ventre de la forêt
Il y a le souvenir d'un monde enchanté 
Un chant revient du fond des âges
Vastes sont les falaises de son nom, de son visage, de sa mémoire

Cette vision des premiers âges du monde n'a pas disparu, elle s'est retirée quelque part
Les printemps de rêve existent à un moment médian, suspendu entre d'autres mondes

Chaque imagination individuelle touche de près et à l'essentiel d'une vie spiritualisée extraordinaire

La nature est le double d'un autre monde
Et fait foisonner l'inimaginable, l'extrême, le merveilleux

L'obscurité de la forêt et la vie des étoiles sont intimement liées
Ce qui montre bien à quel point les voix étranges et douces des étoiles appellent ailleurs
Dans le dessous de la transparence de l'air, de la lumière, de l'eau

La porte de la nature est cette force primitive
Qui nous traverse le cœur et nous transporte
Au-delà de l'apparence contingente immédiate

Les lointaines lumières illuminent le secret des clairières et l'onde magique des étangs
Elles se portent à notre rencontre pour s'unir à nous afin que nous les réintégrions

Un jeune monde souvent traverse cette forêt
Je connais le sentier par lequel il est arrivé au lac

J'ai découvert les traces d'autres voyageurs
Ils semblent aussi connaître le lieu de passage des rêves

Les lumières silencieuses sur l'herbe mouillée sont des rêves endormis

Presque tous les violets du crépuscule s'éclairent
D'autres cris de la lumière s'infiltrent sous le vert bouleversé

La liberté intime et barbare de cet endroit engendre inépuisablement
Le souffle de formes inédites et de couleurs inexpliquées

Il ne devrait plus y avoir discontinuité, décalage, asymétrie entre l'herbe, la lumière et le vert
Sinon les fils de l'aube risquent de s'emmêler de l'autre côté de la source

Une rivière se cramponne désespérément à la lumière naissante de n'importe quel endroit de la forêt

Peut-être ai-je détecté les traces du grand cerf blanc

La couleur argentée d'une pierre de lune
Déploie les ailes de l'imagination profonde et évasive
Entre les reflets d'un soleil des confins

Je ne peux pas non plus exclure la présence de la licorne brune
Même si je ne l'ai pas vue de mes propres yeux
D'ailleurs rien ne prouve qu'elle n'existe pas

La traversée de cette forêt noyée de brume sera à la fois merveilleuse et terrifiante





Mouvement et Espace

Le jour se lève sur la forêt
L'étoile formée par ma main caresse le ciel

Je n'ai pas de nom
Je suis venu juste pour entendre, voir, regarder

Je ne sais rien
Je prends
J'ouvre
Et puis j'existe
Loin et seul
Tu veux que je te parle de cela ?
Tout est joué
Rien n'est réversible
Je suis pris
Je ne peux plus leur échapper
Je vais devenir grand

J'ai voulu aller vers une rencontre de nouvelles averses d'images
Mais il n'y avait pas d'autre dessin dans la nature que le mien
Mon dessin dans la nature était tout ce qu'il y avait de nouveau devant moi

J'écoutais chaque couleur de terre, chaque couleur de lumière
Et je les entendais agir sur tout ce qui constituait les fibres de mon être

Tout venait de la couleur
Tout vivait par la couleur
Et pour la couleur

Une autre rencontre était en préparation

Je veux dire qu'elle avait quelque chose d'infiniment plus vaste
Comme un silence vivant indéfiniment répété de regard en regard et de chair en chair

Tout convergeait vers le visage d'une source commune
Où chantaient les images dedans les mots encore à inventer
Là, une prairie d'images et de couleurs s'avançait dans les mots pierre
Et ici, les mots pluie glissaient sur des paysages à couper le souffle

Le long de tous les chemins
Un cœur qui change est habité de mots
Et les mots transforment sans cesse les idées
Et le voyageur veut les saisir à chaque instant toujours différentes

J'ai l'impression de respirer l'air du large
Bien que mon île soit entourée par la terre et non par l'eau

Ce paysage sensible court sous mes yeux
Ce paysage émancipé échappe à toute espèce d'ancrage

A chaque montagne, à chaque ruisseau, comme à chaque être correspond une voie spirituelle

Le chemin pour aller à la respiration
Des racines et des sèves monte
L'éveil dans le cœur aussi

Il nous faut rattraper ces chemins inédits qui fuient dans le paysage

Jamais les chemins de terre de la poésie n'ont éprouvé à ce point la sensation
De n'être dans cette existence que les terrains vierges d'une enfance enfouie

La rencontre avec la poésie est un voyage bleu nuit vers ces régions naufragées

Tous les chercheurs de mers sont à la fin de leur voyage revenus à leur commencement
D'une voix qu'ils voulaient faite pour les lignes de fièvre, chacun s'écriait : Si j'étais île, j'irais ailleurs !

Or, l'Autre Monde c'est celui-ci !

Chacun sait au fond de lui qu'un rêve se réalise avant la naissance, avant le commencement

Le schéma est rond : partis de la nuit de la matrice, on retourne à la métamorphose intérieure

J'en suis arrivé moi-même à chercher une échappatoire du monde réel

Vers quoi allais-je ?

Sans mesurer l'exacte distance entre l'origine et l'extrême
Je n'en avais pas moins le sentiment d'avoir communiqué mon rêve

J'ai toujours ce désir de réintégrer l'instant merveilleux





L'Autre est totalement nouveau

Tout homme est appelé à faire une rencontre bouleversante

L'Autre est un mystère
Il y a deux sexes différents
Il y a deux mondes différents
Et pourtant l'un est l'autre

C'est sans doute lorsque l'amour intervient par surprise, par effraction
Que tout peut être changé de ce que nous sommes et faisons

En toute femme, j'ai voulu voir la forme-signe du rêve
Hors de quoi, le voyage n'existerait pas

Dans chaque être
Il y a un type d'amour différent
Qui peut venir d'une autre réalité

Il y a des regards
Qui nous invitent et nous attirent
Comme une entrée d'un autre monde

J'ignore tout d'elle
Sinon qu'elle retient le souffle de l'aurore
Invite au sommet des vagues
Et jette un trait d'union
Au-dessus de l'ombre violette des arbres
A un peuple d'étoiles

D'elle, je ne sais rien
Pour quoi faire ?
Le point d'inconnaissance
Est le point d'ancrage le plus sûr

Par-delà l'exaltation des épaules
L'abandon de mes mains dans ses cheveux
Et la danse circulaire des hanches
Quand vient le court message des yeux

Je regarde en silence

Le long miroir éclairé de l'eau dans les profondeurs
Si totalement et merveilleusement maculé d'aurores blanches

Il y a encore bien des réserves de tendre
Dans l'encerclement de l'onde indécise
Qui déshabille le corps et coule
Lumineusement noire sur la peau

A partir de cet instant
Quelque chose me dit que ce miroir d'eau pure
Renferme peut-être un paradis
Une  façon d'aimer, la façon d'aimer

Des vols d'instants cerclent le miroitement des reflets afin que les étoiles s'en souviennent

Il y a de la clarté dans le regard
Une étonnante fraîcheur dans le toucher
Et aussi un frisson nouveau
Parallèlement à la blancheur de la chair

De la précipitation de la lumière à l'intérieur d'un sourire
Naissent des caresses qui n'ont jamais été formulées

Le sable neuf de la plage reste attentif à la courbe nouvelle de la vague

Voici le triangle amoureux de la lame, de la vague
Et de l'écume du ciel qui se forme sans qu'on la voit

De la trajectoire d'un regard à l'abandon rapide
Vers ce moment de basculement des courbes libres ou captives

L'obscure plage incandescente de l'amour
Est celle qui parviendra à n'habiter jamais
Que ses sources opposées aux terreurs du ciel

S'échapper
Choisir sous la surface une image d'elle
Et revenir à chaque éclat de son regard, de son silence
Refaire de l'intérieur l'itinéraire d'une nuit imaginaire
Et d'une rivière de solitude miroitante et diaprée
Se glisser dans la lumière de sa chambre
Ecouter son cœur, ses yeux, sa vie profonde
Ecouter d'où vient l'étoile vivante dans sa poitrine et où elle va

L'Autre est tout autre
Mais il n'existe plus en secret, ailleurs
Il prend forme dans le corps

A partir de cet instant
Je suis dans sa chair pour l'ouvrir et l'ouvrir encore

Où aller, où retourner sans cesse, sinon à ce jeu spontané des formes en liberté ?

Les jeux les plus magiques sont les jeux créateurs
D'une sorte de circuit d'innocence entre nous

Douce est la respiration de l'amour
Où l'on peut, avec étonnement
Ouvrir au monde les plus beaux rêves

Un chant unique
Cela commence par l'éternité de la forme
Dans le temps intérieur de l'individu

En un clin d'œil, la surface vivante du corps est éclatante de nuit

J'entends, je vois
La signature musicale d'un couple d'étoiles
Au-delà du temps, de la distance et de l'écoute

La respiration de l'amour
Dans l'enveloppante nuit
Des jambes, des bras, du cou

Tout n'est pas découvert
Il faut ajouter un voyage
De la vie à l'intérieur du corps

Nous n'avons jamais le même corps

Ici, l'eau fendue
Là, les arbres profonds et sombres

l'Autre est totalement nouveau






Frères de l'espace

Les nuages ont un souffle, une inspiration, un esprit

Il est dit
Dans le Livre des Invasions
Que le Peuple de la Déesse Dana
Arriva porté par des nuages obscurs

Les hommes de ce Peuple étaient en relation
Avec les forces de l'Autre Monde
Et voyageaient dans les nuages

La vie est un long, infiniment long processus dans l'univers
Dans le secret de la nuit, elle propulse des intelligences parallèles
Venues d'ailleurs, dont les observateurs terriens attendent l'illumination 

Si l'expression errante de cette intelligence exogène est devenue un phénomène
C'est uniquement parce que la conscience du témoin l'a objectivé
Il est important d'être conscient de la réalité de cette communication fusionnelle

Cinq cent ans avant Christophe Colomb, les Mixtèques
Dont les ancêtres, selon la légende, étaient descendus du ciel
Se proclamaient "le Peuple des nuages"

Les enfants de ce royaume pénètrent dans le monde en nageant dans le ciel
Et comment ils parviennent à cette mer de nuages, tout cela reste un mystère

La brillante lumière astrale parcourt les mondes et les univers

Ce qui est à un moment un point
Quelque part dans la constellation des lettres G A L A X I E
Devient l'instant d'après l'amour rêvé d'un visage, d'un paysage et d'un corps
Dont le visible n'est certes que l'apparence mais aussi l'éternel accomplissement

La fraternité avec les grands courants d'étoiles est essentielle

Mais quels sont les mondes qui ont précédé le nôtre ? 
Pourquoi cette odeur de vent et de planète, plutôt qu'une autre ?

Où ? Quand ? Comment ?

L'éclat blanc et bleu du ciel sur la mer pose sa question à chacun d'entre nous.

Mort ou transition ?
Vie éternelle ou néant infini ?

Est-ce que la matière est issue de la conscience ?
La conscience continue-t-elle d'exister après la disparition du corps physique ?

Où ? Comment ? Dans quelle circonstance ?
Là encore, aucune réponse n'est possible.

La vie est issue du rêve
Lui-même issu de la vie 
Et ainsi de suite

Il y a deux sortes d'univers irréconciliables
L'un révèle un commencement
Et l'autre, une opération

Le premier choisit l'ouverture des sources
Par l'approche poétique, la légende, la quête
Tandis que le second veut l'interruption du rêve
Par l'autorité, la contrainte, l'obligation des visages et des paroles

La question est de savoir comment rejoindre le chemin d'infini pour regrouper ce qui est séparé

Reste à savoir jusqu'où l'on peut relier ce qui s'oppose

Comment résoudre ce problème spatio-temporel sans perdre davantage de visibilité ?
La construction d'un lieu de passage, mais aussi d'épreuve est une voie à explorer

Il existe cependant plusieurs modèles qui nécessitent des clés différentes
Parfois le franchissement est dangereux, on avance à la croisée de deux axes

L'un porte sur la transmission, le partage et l'échange
L'autre sur la révélation de l'inconnu, de l'inexpliqué

Ouvrons grands nos yeux
Vers ce ciel pénétrable, transparent
Derrière chaque ciel, il y en a un autre

Le flux d'idées et de liberté improvisatrice
Sera tellement profond, que nous ne pourrons plus nous taire
Celui-ci dira "Tau Ceti", l'autre "Beta Hydri"
Et nul ne saura ce qui est arrivé à l'étoile de Quetzalcoatl
Ou peut-être à autre chose ...

Le ciel retient son souffle
Un monde c'est tous les mondes !

Tout n'a été que rêve
Du fond de toi, Quetzalcoatl
De nous, d'une origine commune

Une lutte contre l'oubli a commencé




L'autre chemin

Les chiens qui courent sur la plage
Affirment l'autonomie d'un temps d'enfance radicalement autre

Mes images et mes sensations se sont faites ici
Et cela par la décision invisible d'un centre

Cette terre est une approche sans fin des multiplicités sensibles

Trop de fois, j'ai perdu le point de fusion
Prêt à accepter l'univers de jouissance
Des matériaux qui ne doit pas me prendre
Mieux vaut assurément prendre la fuite
Devant le monde sans l'Autre
Vers une voie adjacente
Que de s'installer en sédentaire
Dans le conditionnement logique d'autrui

L'essentiel de notre communication
C'est le désir d'être, d'exister, de créer

Nos chemins émergent sans doute
De derrière ce même groupe de lumières

L'énigme ou le mystère de l'individu dépend d'un labyrinthe de possibles

Tout est dans les rêves, dans un seul rêve
Celui qui n'a que notre regard au monde
Et que nous caressons par les yeux
Comme une image momentanée de l'éternité

Il existe un goût de la pleine mer
Plaqué sur la chair bleue de la forêt
Seulement il est lié à l'instant 
Et l'instant n'est jamais le même

Ce monde est une combinaison de l'eau avec la lumière
Il ne faut pas comprendre tout de suite
Il faut attendre et d'abord éprouver, sentir

Voici qu'une minuscule petite étoile
S'est laissé tomber dans l'eau
Jusqu'à l'ivresse soudaine des profondeurs
De la façon dont elle me regardait
C'était une voix disparue, simple brèche
Ouverte dans la nuit sur la lumière voisine

Je suis seul
Seul comme un étranger
Et un voyageur sur la terre
Qui s'efforce, mais en vain
De comprendre les oiseaux en vol
Seul dans un état de rêve
Comme un naufragé de l'espace
Qui dépend des craintes irrationnelles
De ce lieu autant que de ce temps
Rappelant sans cesse le lien invisible
D'une faute originelle
Et d'un châtiment

Moi, qui cherche où me poser
Dans l'infini des étoiles
Je ne connais même pas leur place
Leur nom et leur histoire
Pour quoi faire ?
Le pays intime d'où elles viennent
Se reflète à la surface de l'eau

L'eau qui s'enferme dans la lumière
Recrée le lien avec l'immatériel

Il faut avoir l'audace de franchir la frontière
Et d'aller sur la rive opposée

Partir, voyager
C'est le seul rêve

Les villes où nous étions de passage
S'enivraient de marchandises et de spectacles
Et la lumière multicolore pleurait
Comme une lumière jamais n'avait pleuré

Mon île de chambre est une île orpheline de la mer

Pourquoi l'enfance lumineuse et claire
Est effacée du monde au lieu d'être projetée ?

L'enfant dans l'homme s'arrête soudain
Pourquoi ? Et contre quel obstacle ?

L'enfant meurt en nous et par nous
Parce que nous n'avons pas le courage
De marcher dans l'autre chemin

Personne ne sait ce que disent à la terre les regards de l'étoile
Ils ont rêvé du vert avec le dernier rayon du soleil réfracté à l'horizon
La source de cette tension vers le ciel est inconnue

Il suffirait d'un bruit d'aile
Pour délivrer cette étoile
Prise dans une branche

Derrière cette odeur de brume
Il y a une force de lumière
Pour qui cherche l'autre rive
Seule compte sa métamorphose en oiseau

L'éclat de la lumière terrestre n'est pas un apparaître ordinaire

Les rivières voient dans le ciel des planètes mortes
Qui renaissent à une nouvelle vie

La pluie noire du sommeil
Et le pur mourir sont liés
Comme à la mer une île
Ou au silence de l'ombre la nuit

On meurt parce qu'on était fait pour les lignes de fièvre
C'est un peu comme si l'on ouvrait les fenêtres du corps
Dans l'extrême bleu d'une longue nuit inédite, inimaginable
Sur une autre rive plus vaste que le sensible

Le désir de solitude nue n'a pas d'autre origine

Ce sont les ombres violettes du rêve qui meurent
En cette pointe extrême de la nuit où le noir se retire
Pour faire place à l'avant-aube d'où jaillira la non-rationalité

Lorsque le dernier homme refermera la terre sur lui
Le point et la nuée d'un temps séparé du nôtre
S'installeront dans l'aube muette 

Le ciel et la terre dans l'aurore virginale
Seront brusquement arrachés l'un à l'autre
Les îles, dernières incarnations des étoiles
N'existeront que par les rêves infinis
D'autres mers, d'autres voyages




L'onde originelle

Dans ce rêve, la longue île du moment présent
Tendait à devenir ronde comme la respiration de l'amour
Je l'appellerai l'être qui dedans vit sans rien perdre
De sa plus intime et incommunicable blessure

D'un saut, j'avais franchi la haie de l'inconnu
Et, comme un ilote, un îlien je m'étais glissé
Entre le noir et blanc et la couleur
Dans un moment très extraordinaire
Comme la cellule matricielle

Quand je me suis retourné
Le retentissement affectif de cet endroit
Avait fait cercle autour de moi
Et les reflets purs de la nuit
Ranimèrent l'espace fugitif d'un instant
Le pays d'où j'étais venu

Personne ne me croira
Si je dis que, de mon incarnation précédente
Je garde le souvenir d'un récif coralien
Mais c'est la vérité

Qu'est-ce que la transmigration
Sinon une route déblayée par le mouvement
La direction et la vitesse

Que je sois homme-goéland !
Qu'est-ce que je suis ?
Individu dauphin, peut-être ?

Ou bien un être infigurable ?
Un point de source innommable ?
Peut-être, mais il s'agit de l'être inexploré
Qui, dedans vit, si bien enroulé dans sa rosée d'universel

Il y a deux sortes de voyages
Le premier va de l'état embryonnaire à l'état fœtal
Et le second, de la matrice à l'ai libre

Ainsi commence la course contre l'oubli

La direction des traces nous mène à cet effort pour sentir
Pour percevoir de quelle parole intérieure, secrète on est fait

Quelques-uns, seulement, très rares
Sont chercheurs de Dieu-la-Mère

L'idée de maternité spirituelle est l'idée-clef
Tout est en elle pour toujours

Ce que l'enfant en l'homme a voulu
Il y a vingt ou trente mille ans, existe

Une chose est certaine cependant
Nous reprendrons la forme
Que nous avions avant d'être nés sur terre

Voilà ce que j'ai regardé, écouté, goûté, senti

Les nuages étaient totalement et merveilleusement
Absorbés dans les clartés qui les confondaient
Avec des visions de navires volants

Le ciel de ce clair de lune
Mêlait l'image des rêves
A quelque chose d'universel





Le lieu de l'émergence

Il y avait une participation primitive
Qu'on appelait Enfance

Mais après, que s'est-il passé ?
Le monde conscientiel a glissé
D'un plan spirituel vers celui
De la pure phénoménalité

Les commencements, les départs
Vers l'absolu sont en morceaux

L'instant qui sépare le jour qui s'achève
Du jour qui vient est un poème-source
Qui nous parle de l'absence de l'Autre et de sa présence

Quelque chose, ou quelqu'un retient de très loin
De très profond à l'orient de la forêt
Le cri primitif de la naissance

Des images passent devant mes yeux
Mille visions par mille transformations de la nature
Je me retrouve en elles, sauf qu'elles n'ont pas traversé
Les mêmes mues successives que moi

Où vont toutes ces choses, que le matin d'or du lieu de l'émergence réveille en moi ?

La perception m'importe moins
Que l'imagination de ce voyage vers moi
Des lacs, des étangs et des sources en miroir

Le lieu se déréalise
Avant de se renouveler
Dans une prolifération de contextes possibles

Les bleus intérieurs ou ceux des îles ?
Lesquels sont les premiers imaginaires de l'été ?

Le vaisseau volant de tous les bleus du jour
Ne cesse de se combiner à la forme du mouvement, à la forme de la liberté

Dans la brume, il y a comme une respiration interrogative
Elle voile et / ou dévoile le rêve des origines

La pente de la montagne remonte
Le flux de nombreux espaces
Pour aller à la rencontre
D'une lumière dorée
Née à l'aube des temps

Nous ne savons pas où se trouve le lieu de l'émergence
Dans les forêts d'algues sous-marines, ou bien dans de lointaines galaxies ?

La mer du monde est un matin d'espoir
Sinon ici, du moins à quelques millions d'années-lumière de là

La vie secrète de la nature 
Vient assurément d'au-delà des étoiles
Et contenait déjà à l'état embryonnaire
Le souffle de l'aurore de vie

Nous devrions tous avoir en mémoire
L'étoile par laquelle nous sommes entrés

Des yeux d'eau et de lumière
De toutes les couleurs peuvent nous la montrer

Mais il faut, pour cela, arriver à concentrer les verticales de la lumière

Que sont devenus tous ceux
Qui cherchaient entre deux jours de pluie
Les îles bleutées de l'archipel anténatal ?
D'abord dans les forêts et au sommet des montagnes
Puis, peut-être dans les enchantements d'un royaume étrange

Le point du jour confiné au seul système solaire
laisse derrière lui le couloir blanc de la nébuleuse originelle

Quelqu'un s'est-il imaginé Gaïa la Mère-de-tous
Comme une idée en marche et en construction ?
Pourtant elle est là, partout présente dans la nature
Qui rayonne en aurores et communique avec nous 
Par les feuilles des grands arbres dans un langage rêvé

Tous ceux qui veulent aller vers une route étrangement lointaine
Et cependant quelque part, au-dessus ou en dehors, jusque dans leur être le plus intime
Tous ceux-là feront éclater d'un seul coup l'espace-temps qui les entoure, à partir d'un tracé de trous

Les occupants de la terre accèderont à d'autres niveaux de réalités





Une lutte contre l'oubli a commencé

Il y avait une grande douceur d'aimer dans le regard de la terre
Les enfances de l'homme ont existé
Il nous faut établir ce qui s'est passé ensuite

La grotte initiatique est incrustée en chacun de nous
Je me colle à la paroi humide de la grotte
Et j'étreins la beauté fragile de ce retour matriciel

Avant la naissance
Avant la terre de notre voyage
Qu'est-ce qu'il y a ?

Il y a la terre de notre cœur
Un cercle de lumière rouge 
Et peut-être aussi de la couleur en rêve

Il y a l'envie, l'envie générale de peindre
Le ciel de notre couleur

Avant de commencer ma quête
Je m'appliquerai de toutes mes forces à concentrer mon esprit
Sur le mystère lumineux de l'arbre inversé
Qui plonge ses racines dans le ciel

L'esprit des nuages et l'être du ciel s'unissent l'un à l'autre

Tous les chemins de l'aube
Aboutissent à cet état fusionnel
Dans un même souffle de l'aurore
C'est précisément ce qu'avaient imaginé 
Dans l'air opale la ronde des nuages

Les longues files de nuages caressent les contours du champ visuel
Elles ne font que passer par-dessus les éclairs et migrent en permanence

Le monde des nuages porte la marque du rêve et dépasse l'horizon de la simple vue
Toute notre imagination est à l'écoute de la présence vivante de ces frères nomades

Ici commence une forêt de bras pour rattraper l'aube





Le noir et le nu

Le noir et le nu rendent sensible l'infini

Il y a d'abord cette course de villes en villes
Jusqu'à l'autre bord de la nuit brûleuse de soleils
Il y a là une douce nostalgie de toutes les relations horizontales
Invitées à survoler, à bondir sur l'infini avec dans ses bagages
Toutes les noces alchimiques qui existent, ou ce qu'il en reste à la surface de la terre

Je ressens un mal vivre toujours accroché à cette société
Une difficulté d'être à l'endroit choisi où tout est programmé, bétonné

Entendez-vous le hurlement du serpent de nuages ?
Ou serait-ce un démon saisi par le rêve pur de ce monde ?

Mais les cités sont peu préparées à lui faire face

Seule issue possible
L'intrusion du rêve dans le quotidien

La distance intérieure fait disparaître les murs

Entre le cri aigu du serpent de nuages
Et celui de sa disparition
Il y a le temps d'un souffle de vent
C'est lui qui détient les clefs
De la poésie sauvage de l'île barbare et primitive

La résonance de la lumière sur le noir
Génère un horizon merveilleusement inaccessible

Les cris de l'espace se perdent
Parmi tant de déchirures de nuages
Et lentement, infiniment lentement
Une ronde des lunes fait voyager son bleu pâle
D'un clair de nuit à l'autre

L'ombre et la lumière s'attirent et se repoussent sans cesse
Puis elles se rejoignent et disparaissent

Ce déchirement est constamment présent dans la nuit
Toute pénétrée de lumière nue et froide

Il y a des lumières qui pleurent
En se jetant dans l'inquiétude
Et le merveilleux des miroirs

Ce n'est pas parce qu'une lumière est triste
Qu'il ne faut pas s'émerveiller de cette lumière

Les cris de la lumière s'envolent vers le plus pur

Chacun a besoin d'un accord avec les autres

La chair et le souffle
Dans l'existence nue
S'appellent et se répondent

Et la lune secrète voyage sur le front pâle des nuages

La lune navigue vers son île de silence
C'est là que l'on peut repérer le mieux ses lignes descendantes
Et sa profondeur imaginaire

C'est elle, que les naufragés du désir ont toujours voulu rejoindre

Pourquoi ?
Parce qu'elle ne se décrète pas
Parce qu'elle ne se fabrique pas

La lumière se cache dans le noir
Puisse-t-elle nous donner son propre corps
Dans lequel nous voulons être avec elle
Comme dans une arche d'alliance

Le noir coule en bleu sur les dunes de la nuit
Il n'est pas absurde de penser que le noir se mue en clarté





Le noir et le feu

On regarde le regard d'une étoile
Peut-être pour recevoir quelque chose 
Un retour à l'intérieur de soi-même

C'est ici que le monde a été donné
Précédé d'une caresse pleine d'étoiles palpitantes

Ces points de lumière se sont ouverts comme des yeux
Et ils ont troué la surface nocturne

Ce monde renferme beaucoup de tendresse
Car il y eut rencontre, dialogue, découverte

Un chant lumineux appartient
Au rituel nocturne de la rivière
Toujours, toujours
Il naît de cette rencontre 
De la chaleur en allée d'une étoile
Au contact de l'onde glacée de sa peau

Durant quelques secondes
L'étoile est restée sur l'île
Je l'ai regardée scintiller

Jeune et jolie dans sa transparence liquide

Île et étoile, toute pareille à une création des yeux
Et j'y ai ouverts grands mes rêves et mes yeux

Mes yeux ? Plus que ça !

J'aime imaginer dans cette écume verte de l'aube
Un flux lumineux, qui pourrait être l'entrée dans le non visible

Je me souviens d'un ciel rosé par l'aube
Il n'y avait là ni dessin, ni même image
Une rose suffisait à son âme en voyage

Un autre paysage avait cependant surgi
De la transparence vers toujours plus de beauté

C'était toute la féminité de l'être qui se lisait à fleur de rose

Quelle étoile cherchons-nous ?
L'étoile habite sur l'eau
Île et étoile toutes en yeux

L'île est créatrice d'étoile comme le nouveau né est créateur de mère

Cette étoile, nous devons l'attendre
Dans la faible clarté des vagues

Si nous désirons en obtenir une image
Ne fut-ce que partielle
Nous pouvons inscrire notre faim du feu
Dans cette rumeur étouffée de l'eau




Enfances

De loin en loin, les enfances de l'homme
Ont dessiné des paysages métaphysiques
Et ainsi un chant d'étoile s'ajouta à d'autres
Pour faire un langage de l'être sublime

Les enfances de l'homme ont existé
Il nous faut établir ce qui s'est passé ensuite

Il ne s'agit pas de faire nombre mais de faire signe

Entre le silence et l'origine
Il y a l'élan de l'expression cosmique

Il y a déjà de l'infini en nous qui cherche notre caresse

La course des mondes redéfinit les contours de la longue île du moment présent
C'est nous qui sommes dans sa réalité rêvée et non l'inverse
Car on ne voit jamais qu'un seul hémisphère de l'immanence lumineuse

Nous vivons avec des rêves pour apprendre quelle âme nous habite

La couleur que fait à l'intérieur de l'intérieur
Une main qui s'ouvre est comme un appel de l'âme
Jeté dans la nuit des étoiles messagères

Il nous faut apprendre à dire ce monde
Le soleil, le sable et les vagues par l'impossible
Ce qui n'est pas explicable a toutes les chances d'exister

Entre l'origine et l'extrême
Il y a le temps d'une parole pour faire naître
Et le temps d'un souffle pour donner vie

Il y avait une participation primitive qu'on appelait Enfance
Les commencements, les départs vers l'absolu sont en morceaux

Nous sommes venus seulement pour recomposer les morceaux du miroir éclaté

Tous les êtres naissent spirituellement
Quelques-uns seulement, très rares
Cheminent spirituellement

Délivrer le temps du rêve
C'est d'une façon ou d'une autre
Réintégrer l'imaginaire au réel

Le corps intérieur invente sa relation d'amour, sa façon d'être relié

Les hommes de rêve, les hommes de poésie
Aperçoivent la fleur d'une île que nul n'a respiré
Car elle était en eux et à eux avant leur naissance

Quel sera le parfaitement pur ?
Nous avons une possibilité d'action, un début de réponse
au plus près de notre enfance

L'absence de communication est sans doute à l'origine de toutes les aliénations

Le monde n'est pas assez plein d'amour de la relation
Pour que nous renoncions à l'élan de la communication

Enfance est le nom d'un pays de la Terre pure
Sa forme est celle d'une Île-Corps en harmonie avec les parallèles des vagues

C'est une île aussi qui a souvent quitté la mer pour courir les ciels dans un ailleurs
La délivrance dans l'évasion peut changer les images du monde à l'infini

Le premier lieu dans l'eau du matin
Transforme sans cesse en lui-même la lumière
Et le regard comme s'il s'éveillait d'une île lointaine

Le mot île est un tout autre mot qu'à l'extérieur
Quand on l'écrit avec les yeux, comme une couleur venue de l'étoile

L'île est île par une étoile
Elle se reçoit d'un être de lumière

Je suis maintenant sûr que chaque bord de route
Chaque bord de mer vit sa solitude, sa liberté

Ici, dans cette qualité du silence
Un autre regard de l'étoile est né
Qui a donné chair à l'impossible





Un voyage vers le commencement

Au commencement, nous disent les chants
Il n'y avait que des mots-enfants

L'endroit-où-éclosent-les mots
Est tombé dans cette planète inconnue
A l'époque où les enfants des hommes
Ne s'expliquaient pas encore
Ces mouvements des sphères étoilées

Ils ne savaient rien encore
De l'autre lumière qu'ils cherchaient

Leurs lieux d'investigation étaient les zones d'ombre
Et de mystère, grottes, forêts, hautes montagnes

De quelles rencontres avec les étoiles venaient ces clartés du matin
Qui s'étaient accrochées aux couleurs des feuilles des arbres ?

Ils les regardaient courir aux quatre coins de l'île
Dans le pur dessin et le langage inventé des nuages

Il existait certainement un endroit dans le ciel
Où les nuages merveilleux de couleurs et de formes
Avaient voulu dire à l'étendue universelle de s'ouvrir

Brusquement, un sourire apparut sur les visages
Seule l'imagination par l'amour et dans le rêve
Pouvait leur donner une piste

C'était le plus souvent à travers la beauté des forêts
Des étangs ou des ruisseaux, que l'on découvrait 
Les raisons souterraines qui avaient guidé l'aube magique
Dans le choix de telle ou telle lumière du matin

Le regard fixé sur le cercle de vie essentiel
Ils virent tout près l'entrée émerveillée 
Dans le champ maternel si chaud
Si humide, si resserré

Et la conscience du rêve leur dit ceci
Ce sont les mots qu'il convient d'absorber dans les clartés du matin
Et il est inutile de vouloir bâtir un été sous la mer avec les mots

A cet instant du voyage, l'Archer de l'aube pénétra dans une vallée splendide
Par un passage secrètement ouvert à l'intérieur des dessins-messages
Et, se couchant sur le ventre au bord de la source aux Quatre-Sacrés
Il se pencha vers la fenêtre de l'imaginaire d'où il put ainsi, silencieux
Et immobile, écouter le poème du du jour

C'était l'instant de la grande migration
Les étoiles restées en attente se trouvaient
Dans une barque très étroite et longue
Blotties les unes contre les autres dans le froid
Ensuite, le royaume de l'étendue les prit entre ses doigts
Et il les regroupa dans le ciel de la terre

Une ligne dans l'espace naquit du mouvement
Et cela par la décision invisible d'un centre
Puis ce fut l'entrée dans la seconde des grandes aventures
En résumé, pierre et terre, jardin, chemin d'initiation

Ce fut alors qu'une main levée surgit soudain de la brume

En-deçà ou en-delà de cette Main de Vie
La Voie Clarté était décidément faite pour l'instant
Et le voyage était toujours musique

L'être tendit aussitôt sa main droite et l'ouvrit
Montrant un bloc de pierre à l'infinie pureté
Provenant de l'on ne sait quelle source première de lumière
Arrachée sans doute à une longue vague de météorites

Je crois qu'il y a un tressaillement de l'infini
Dans tous les commencements

Nous nous sommes déjà rencontrés
Dans ces champs de lumière que nous croyions oubliés

La désignation de l'idéal est associée
A l'infini imaginaire, à l'espace de l'innommé

Oui, sous cette apparence, il y a autre chose
La forêt est une découverte émerveillée comme la mer
Mais il s'agit d'un monde beaucoup plus inattendu
Toujours serré dans le bleu céleste

La nature de cette feuille sur la branche
Est de se rapporter à la claire lumière de l'antériorité

Nous avons perdu le code du dialogue avec le ventre maternel
Ensuite de quoi, le contact a été rompu avec les puissances du rêve

O toi qui voyages à travers les montagnes et les cavernes
Délivre-nous de l'enténèbrement du monde et ouvre-nous l'accès au sacré

N'es-tu pas le réenchantement du monde et l'ouverture à la rencontre ?
Car si tu existes, ce monde est un autre monde et la vie reviendra

N'es-tu pas Celui-par-qui-l'on parle ?

Si tu es un pont de lumière
Entre l'ombre bleue du vent
Et le sacré de la terre
Tu ne peux pas ne pas être
La vie profonde possible
De la mer qui est dans le ciel
Et tu ne peux pas ne pas être
La vie profonde possible
Du ciel qui est sur la mer

Car si tout est lié
Ce qui est a déjà été
Au contact de tout

Nous avons été
Nous sommes
Et nous serons




L'oiseau du temps

Il fait un bleu de pluie sur les ailes d'un oiseau
Un nouveau souffle de vie traverse la cité de l'aube de part en part

Le contact doux d'une plume change le regard sur le monde

Ce frémissement d'ailes est-il seulement visible du ciel ?
Dans ces moments-là, les fenêtres obliques de l'espace ne le disent jamais

Des larmes gonflent les yeux bleus de l'aube
Les nuages roulent à travers tout ce degré d'absolu
Et dans tout le ciel l'eau de pluie pleure

Mais là, parmi les filaments flottants de l'esprit soleil
Vers l'est rouge où plane l'oiseau du temps
Un invisible naturel offre sous tout ce bleu de surface
Une prise aux mouvantes et émouvantes lignes d'air et de vent

L'inouï qui est survenu par ici est empli
De cette image de la plus haute étoile
Là d'où notre île du ciel peut en profondeur
Et mystérieusement s'envoler



L'oiseau d'aube

C'est une étrange chose d'être un mot
Qui s'harmonise à l'universel

Un mot qui écoute s'il pleut très loin, très haut
Du côté d'Eridan ou d'Antarès

Un mot silencieux comme un arbre
Ou une source, la lune

Vraiment, ce mot est du ciel
Ou d'outre-ciels ?

On se regarde dans ce mot
Et l'on voit dans ses yeux
L'aube s'habiller de rosée
Sur l'aile limpide de l'oiseau

Je vois qu'il est venu au monde
Dans les mains de celle qui a dessiné
Pour lui leur maison de plumes vertes

Le point du jour
fait de longues plages de sable ocre
Ferme sa main sur eux, en passant
Et les laisse glisser dans le feu de ses lignes

Feuilles, nid, couple
C'est le point de départ

Une seule envie de prendre l'espace
Et c'est peut-être une architecture de lumière
Qu'on ne connaît pas

De l'endroit où je me trouve
Je peux apercevoir l'heure éblouie
Déroulée d'entre les draps d'aube lunaire
Et les couvertures scintillantes d'étoiles

Le temps, le lieu et l'heure du rêve sont indiqués
En paroles ailées et en empreintes grises
Dans le bleu liquide de la nuit

Préparatifs d'oiseaux

Ce n'est que le début du grand voyage
Il nous faut maintenant poursuivre
Et poursuivre jusqu'au bout le rêve
De quelque chose d'autre
Qui s'ajoute aux éléments

Vers le fil invisible
Entre le manifesté
Et le non manifesté

Oiseaux en vol
Migration

Vers le fil invisible
J'ai les yeux levés

Le rivage de l'âme oiseau
Est une forme idéale non réalisée
De son cercle de vie essentiel

Pour connaître cet oiseau lumineux
Il aurait fallut oser entrer dans les champs brûlants
Nul doute cependant, ce coureur d'étoiles a disparu dans le lointain

Pour aller où ?

L'unique réel qui puisse s'accomplir dans l'imaginaire
C'est celui de l'oiseau dont tout l'être est un appel à l'autre face du ciel

Nous ne faisons qu'effleurer le rivage de l'amour
Nous ne savons pas atteindre l'invisible dans l'origine
Parce que nous ne savons pas rendre le métaphysique physique

Ce visage que j'aime dans ce nuage
Le nuage l'aime peut-être aussi avec moi

L'eau des yeux est le grand point

Tout proche est l'oiseau de brume blanche 
Qui passe devant la lune pleine






L'alcool de la chair traverse les mondes
L'alcool de la chair est toujours en voyage
Malheur à celui qui n'a pas eu le temps d'être aimé
Loin du regard maternel qui sécurise et protège
Ce qui n'a pas été appris au début de la vie
Est définitivement perdu





L'avant-naissance

Au commencement des commencements, à l'origine des origines
La lumière verte de la forêt marine baignait dans un immense bleu

Qui n'a rêvé de descendre dans le Grand Bleu
Pour en filmer le chant, la musique
C'est là que des animaux sous forme de fleurs
Réveillent la trace endormie d'une Atlantide de rêve

Tout me porte à savoir
Quand, où, comment
Voyager l'enfance du monde
Dessiner quelque chose
De l'étoile, de l'île
Et du cri des vagues

Au commencement de ce cycle de confiance en la vie
Il y a l'image ou le concept central de l'Introductrice au royaume

Mais la Mère de Vie, s'il en est une
Commence à un moment
Qu'il est impossible de définir

C'est maintenant l'heure du point du jour, du point de fuite

Il faut d'abord se hisser
Sur le fond de la coque chavirée
Puis laisser s'échapper les rayons nomades
Emprisonnés au-dessous
De ce qu'ils ont ébloui
Et de ce qu'ils éblouissent
Naîtra un ruisseau d'infini

La vie avant la vie
Exerce sur moi plus de fascination
Que la vie au-delà de la mort
Je ne sais pourquoi, mais cela me rappelle
Le blanc ressac de cette zone de sable humide
Qui, la première a coloré tous les coquillages de la plage

C'est par l'avant vie
Qui circule librement dans le corps
Que Dieu la Mère nous agrippe

Dieu ou plutôt Déesse
La Créatrice, la Vraie

L'idée de maternité spirituelle est l'idée-clef
Tout est en elle pour toujours

Mais combien ignorent ou feignent d'ignorer
Qu'elle était l'esprit de ce qui allait arriver

Quelques-uns, seulement, très rares
Sont chercheurs de Dieu-la-Mère

Dans nos yeux sont tous les mondes de tous les univers

L'enveloppe extérieure de l'indicible
Les lie, les rapproche, les éblouit
Mais beaucoup ne les voient pas

La forme courbe est la voie privilégiée
De la ligne pour accéder au cercle
La réflexion d'un autre éclat de lumière
La reconduira vers le point initial

La présence de clarté est un point de liberté

C'est ici que je commence à enlacer
A attendrir un vert féminin de l'aube

Et j'acquiers ainsi la certitude que le vert de ses yeux
Brille comme une clairière immense au sein d'une forêt sans limite

De très loin, de très profond à l'orient de la forêt
Est le matin d'or du lieu de l'émergence




L'arbre mère

Le sentier entre dans la forêt
Puis se divise et se perd

La sculpture des arbres respire
Le peuple des arbres est fait d'instants
Et d'espaces comme nous

Chaque être a son chemin de rêve et son type d'amour
L'intelligence émotionnelle est auprès de ceux
Qui parlent aux animaux et aux arbres

Nous nous sommes rencontrés parmi les arbres
Avant de nous reconnaître dans les dessins du ciel
Très au-delà des voix et des expressions du cosmos

Je m'arrête un instant pour regarder les images et les signes d'une contrée mystérieuse

Les arbres courent sur les berges
Plus je les regarde, plus leurs ombres
Me semblent lointaines et incertaines

Passé l'horizon de la forêt, commence le territoire spirituel, mystique de l'au-delà du visible

D'entre toutes les formes de la nuit
Le vent qui coule entre les arbres
Est un infini de mystère

La pensée de la source, de toutes les sources s'enroule à mes rêveries

Je considère ce vertige des signes
A la cime de la canopée
Comme une sorte de rêve
Vécu par les arbres du chemin
Qui longeaient cette rivière

Je sais ce que je désire
Enrouler la ligne verte des arbres
A la boucle de la rivière

Ainsi je pourrais lire l'intérieur de la forêt à la surface de l'eau

Il existe un goût de la pleine mer
Plaqué sur la chair vibrante de la forêt

Je sais aussi qu'il existe une liaison étroite
Entre cette odeur de la forêt et cette couleur venue de l'étoile

Dans la forêt les arbres dorment
Une lumière du vert a entendu leurs respirations mêlées

Le cœur de la forêt est l'endroit où l'aube paraît
C'est sa seule défense au milieu de l'ombre

L'essentiel à mes yeux devient le lien entre cette architecture végétale
Et l'acte magique de la couleur, par la médiation d'écritures secrètes
Rares sont désormais les horizons qui ne me parlent pas
Je me sens à la fois lié, rapproché et transporté en un instant
Vers des destinations étranges, comme si je venais d'être enlevé
vers l'île promise de la forêt dans l'espace

La voile tendue d'un arbre tout entier
Atteindra-t-elle jamais le chemin d'étoiles ?

Par-delà le mugissement du vent
Les bras de la forêt retiennent l'étoile de l'aube

L'arbre tend les bras et le ciel lui offre tous ses nuages

Il faut faire l'ascension du poème
Pour se rapprocher du corps parlant de l'arbre

Les conversations des arbres nous cernent et nous épient

Dans le bruit du vent, le langage des rochers coule entre les arbres
Et je ne suis pas loin de penser que l'écho des rêves de la nuit
Parvient jusqu'à moi en langage elfique

Les arbres parlent dans la nuit fraîche des langues inconnues

Il existe une nature enfouie sous les yeux
Et aussi vraie qu'une mère

L'union intuitive avec la nature n'est pas un univers de rêve à jamais disparu
Les arbres, les rochers ou les étangs n'existent pas sans mystère et sans incertitude

La nature parle
Elle est marquée de signes
Dans un inextricable fouillis d'imaginaires
On y voit les empreintes de la Vie infinie

Le bleu spirituel du ciel est maculé d'aurores blanches
Cela touche directement les arbres, les pierres, les respirations d'infini

La forêt est un temple à ciel ouvert
Où disparaissent les eaux fœtales d'un lointain soleil
Nous sommes du cosmos comme d'un arbre mère
Et cet arbre est ascension de la terre dans le soleil spirituel




La mer de nuages

Des oiseaux
Tracent leur chemin d'aube sur le bord des nuages
Dont l'activité renferme parfois des figures cachées
Qu'il appartient au ciel profond de rendre lumineuses

Le trou dans les nuages, puis le franchissement
Et ensuite ? Les minutes dans les minutes infiniment
Et le premier million d'années

Il y a beaucoup d'autres terres dans le ciel
Mais il n'y a qu'un seul cœur humain au monde
Rayonnant d'un intense sentiment cosmique

J'ai tout à coup la sensation que l'esprit des nuages
Où se mêlent l'eau des rivières, la sève des arbres et l'eau de mer 
Est l'un des points d'ancrage du mythe fondamental de la forêt dans l'espace

Devant moi, il est ici tout autre chose
Et cette autre chose est dans l'esprit des nuages
Qui continue de rouler vers une musique très douce et lointaine
Sans compter une abondance d'éclairs rapides

Le vrai nom de cette patrie invisible
Qu'est-il sinon la part d'étreinte, de communion, de plaisir
Des formes et des couleurs qui parcourt les nuits et les mondes

Il y a des couleurs dans le ciel
Qui courent se cacher derrière les nuages

Un nuage peut-il se perdre dans le ciel ?

Les hautes montagnes tendent à toucher l'indicible
Au point d'être prisonnières de leur reflet dans les nuages

Heureux celui qui, devant un désir d'infini
Parle ou croit parler doucement avec les nuages

L'attachement à un lieu mythique, île d'enfance ou analyse intime
Est inséparable de cette lumière mobile des nuages dans l'inquiétude du soir

L'expression de multiples éclats de souvenirs
Résulte de la recherche errante des nuages du soir

Des lumières s'ouvrent à travers le brouillard opaque 
J'aime imaginer que des étincelles d'âmes habitent tout près
Comme au-dessus des nuages, où n'importe où ailleurs
Créant et aimant dans toutes les poudres d'astral

La lumière mobile des nuages secoue des bleus
Qu'est-ce que cela ? C'est une caresse du vent
Mise en elle, afin que naissent des douceurs de l'air

Les pierres utilisent déjà
Une couleur pure et brillante
De la lumière pour instruire les hommes
Nous pourrons un jour distinguer
Les dessins de nuages
Et de vent les plus clairs

Le langage des nuages fait corps avec une certaine tendresse protectrice idéalisée





Le cosmos intérieur

L'orange de ce monde s'ouvre
Comme un village matriciel

La proximité du transcendant
Informe le sensible immédiat
Et nous dévoile l'existence
D'un cosmos intérieur

Dans ces deux mille milliards de galaxies
Lequel de nous deux a-t-il rencontré l'autre ?

Les traces de construction sur le corps de nos rêves
Devraient toujours être laissées visibles
Elles sont le changeant, elles sont le vivant
Qui sème l'élan de notre soif dans la soif de voyager

La constellation des lettres
G A L A X I E
Brille dans les yeux
De celui qui la regarde

Et la plus belle des constellations est celle
Où nous ne sommes pas encore allés

L'exploration de l'invisible est énergie et inventivité

Au sommet d'un nuage s'est allumée une maison ronde
Comme un sourire de lumière étonnement tendre et doux

Un visage de l'Autre Monde apparaît
Au bas des paupières bleues de l'aube

La seule expérience attendue, autour et au-dedans de nous
Est celle de la communion du visible avec l'invisible

De nombreux itinéraires désirent ardemment cette lumière parfaite

Il y a des ombres portées qui nous viennent d'ailleurs
Voici comment on part à la rencontre de l'indicible
L'œil derrière l'œil voit l'invisible dans le visible

La terre, depuis le septentrion jusqu'au midi
N'est pas réductible à la matière, à la surface, à l'enveloppe

La route qui monte de la plage se continue en travers de la voûte étoilée
Le cordon des planètes, pour qui le découvre, serpente jusqu'aux horizons indicibles

Il y a un axe invisible, une vie secrète

Tout en haut
Le cordon ombilical
Se renoue peut-être
Dans la mort solarisée égyptienne
Qui multiplie par plusieurs millions
Les millions de soleils qui existaient déjà

La liberté cosmique n'a pas de certitudes, de limites

La terre est une île du ciel
Emportée par la passion expressive de la lumière
Rien ne viendra jamais lui ôter ses rêves

Pourquoi cette planète, plutôt qu'une autre ?
Où est la vie ? Où est le rêve ?

Les intelligences de l'extérieur nous apprennent leur présence
Et nous sommes en retour leur possibilité d'errer

Il y a deux sortes de voyages
Le premier va de la traversée d'une rive à l'autre
Et le second, de la ligne d'horizon à la Source des sources de la mer

Des êtres fantastiques vagabondent
Dans les couloirs de l'intermonde

De cette vie présente à l'éternelle, il y a loin cependant
Laquelle des deux est-elle fondée en immensité galactique ?

La couleur bleue de la Voie Clarté, de la Mer
Et du Cosmos nous imbibe et nous pénètre

A nous tous, nous formons
La cellule intime d'un univers
L'espace d'un très bref instant

Il me faut prendre conscience
De la distance entre ce monde 
Et moi qui ne suis que passant



Cité des Fusains

La lumière ferme les yeux
le bleu s'est endormi dans le ciel

Jusqu'où puis-je aller ?

Le besoin de se rendre dans un lieu invraisemblable
Prend son point de départ dans un bleu vierge
Tournoyant au milieu de nulle part
Dans l'espace noir brillant

Source, centre et but de l'imaginaire subversif de la création

On est toujours pris au piège
Avec ces lignes de fièvre
Entre le crépuscule et l'aurore
La lisière est étroite

Si tu n'as pas compris à la seconde où tu entrais
Si tu ne sais pas encore comment te perdre dans la nuit froide
Détourne-toi de ce voyage clandestin

Mais si l'étoile que tu regardes se niche
Dans la couleur que fait ta main qui s'ouvre
Projette-toi au-delà, ne t'inscris jamais

Reste absolument nomade,
Reste sauvage
Reste libre

Je t'aime mon frère

Nous avons eu envie de nous rendre à la Cité des Fusains

Il est un coin lumineux et irréel de Paris
Où les voies mystérieuses de la nuit
Se sont aménagées une aire de rêve
Un espace transitionnel de poésie

Soudain une ombre se projette
Et l'on ne perçoit que le territoire
Indéfinissable de l'imaginaire
Surtout aux endroits où le magique
S'ajoute aux appels insistants de la lumière

Les nuits aussi ont leur barque blanche
Pleine de vent clair

La nuit s'attache interminablement à nous
C'est elle qui rassemble les morceaux d'invisibles éparpillés

La caresse nocturne de l'air est calme et douce
Comme l'idéalisation d'une tendresse protectrice



La question de l'Autre

Qui sommes-nous en vérité ?
Y-a-t-il d'autres ciels au-dessus ?

Dans le secret de la nuit
Quelque chose remet les mondes
En cercle, en ronde et en mouvance

Dans je ne sais quelle complexité
Des temps et des espaces

Comment est-ce, intérieur et extérieur, possible ?

L'ombre des étoiles
Prend le pas sur le rationnel

Les mondes d'en haut se vident
Pour en faire jaillir d'autres

Qu'y-a-t-il au-delà de la nuée ?

Derrière ce soleil visible
Il y a d'autres soleils respirables
Saurons-nous un jour
Qui ils sont, en vérité ?

Un seul voyage
Pour combien de temps encore ?
Mais pour qui ?

Jusqu'où peuvent aller tout l'imaginaire
Tout l'affectif, tout le symbolique ?

Jusqu'à ce futur incertain 
Où un être d'ailleurs, un frère de l'espace
S'installera parmi l'herbe rare
De nos déserts de sable noir

Dans le ciel comme sur la terre
Il faut que l'impossible soit possible

J'aime la présence ombreuse de l'Autre Monde
Telle qu'elle se voit des Dieux et se décrit au pays des hommes

Le temps de l'émerveillement existe

J'entends, je vois l'entrée
Et la déclinaison d'un astre octaédrique

L'or et le bleu de l'astre 
Circulent de l'un à l'autre
Et l'expérience de l'infini
S'applique à l'un et à l'autre

Tout est en Un

Qu'est-ce qui nous permet de penser
Que c'est une invention poétique
Et rien d'autre ?

Et puis, qu'est-ce que la poésie ?
Le vrai nom de cette sœur des étoiles
Qu'est-il, sinon le point extrême 
Dans l'extrême absolu ?

On ouvrira tout grands les yeux
On cherchera le feu
Jusqu'au bout, jusqu'au ciel
Il fera encore plus soif
De vivre et d'aimer
Enfin, une porte s'ouvrira
Il faut savoir qu'elle existe, cette porte

Mains humains ont disparu
Comme s'ils n'avaient jamais été
Parce qu'ils n'ont jamais quitté
Le monde où ils sont nés

Le Rêve nous attend

Ceux qui arrêtent le Voyage
Sont déliés au lieu d'être reliés
Et, de ce fait les murs de leur appartement
Se resserrent autour d'eux comme des cages







Nuits

L'esprit idéalement sauvage de la nuit
Ruisselle d'étoiles bourdonnantes de mondes

Au plus haut de ce paysage inattendu
Il y a des pierres remplies de silence
Qui portent vers la Voie Clarté

Des présences perdues
Les attirent à elles
De toutes leurs forces

Ce sont comme des yeux de lumière
Qui emplissent l'espace de la nuit

Les nuits de l'enfance lancent au monde bien rangé des grandes personnes
Le dernier or des étoiles qu'elles ne peuvent ou veulent apercevoir

Qui a eu la chance d'habiter comme les blés lunaires
Au-delà des montagnes bleues de l'horizon
Doit ouvrir d'autres regards sur l'espace cosmique

Les voiles d'aube lunaires sont un formidable déclencheur d'imaginaires

Mais pour trouver quoi ? Chercher qui ?
Il faudrait avoir l'amour de l'amour
Pour accrocher à cette source

Il manque encore des bras amoureux
Pour ouvrir le domaine de la nuit
La Main de Vie dans l'espace nu des corps

La clarté lunaire est captation
Accueil de la haute étrangeté
D'une âme captive en ce monde

C'est ce qui nous lie à la possibilité de l'extraordinaire
Et à l'expérience la plus souterraine, la plus solitaire

Certes la Lune a souffert comme peu d'astres ont souffert
Les météorites qui sillonnent l'espace l'ont voulu ainsi

Si seulement j'avais retrouvé l'or argent de la Lune sur les reflets de l'eau

Cette terre devrait être une réflexion sur l'amour
Et les liens secrets qui se tissent entre les êtres
De l'état embryonnaire à l'état fœtal
Et de la matrice à l'air libre

L'inouï qui est survenu ici
A scellé l'union intime et constante
Entre les eaux de la nuit et l'effort de lumière de la pierre

C'est sans doute au cœur de cette nuit primordiale
Que réside la part intime, le secret de la vraie vie absente

L'éclat bleu furtif des portes de la nuit
Renouvelle son approche de ce beau secret

J'entends crier les vagues
Sur les routes désertes de la mer
La fenêtre de ma chambre s'engouffre
Dans un rectangle de nuit bleue
Les fenêtres de la nuit sont comme ça
Pleines d'odeurs fortes de la mer

L'air libre de la nuit se perd à chaque instant dans la chevelure de la mer

Au bout de ce bleu lumineux des voies de la nuit
Le voyageur retrouvera la Déesse-Mère des commencements

L'aube secoue des bleus dans la trame de l'espace-temps
Du fond de la nuit remonte la rosée du Temps Ancien

Voyez comme le bleu éclaire la nuit

Le bleu liquide de la nuit n'est pas moins brillant qu'une pluie ensoleillée

Regardons l'inédit
Ecoutons l'inattendu
Goûtons l'imprévisible

Les sentiers de la forêt se chargent d'affects pendant la nuit

Une étincelle de lumière douce et inquiète
Hante les lieux inventeurs de l'idéal

Il s'agit moins de changer le monde
Que d'apprendre à venir au monde

Nous avons une possibilité d'action
Un début de réponse au plus près de notre enfance

Chacun rêve d'être la source et celui qui mord la source

C'est une longue part d'enfance, la nuit




Quand j'observe le reflet d'une fenêtre sur un mur blanc
j'ai l'impression de me réveiller avec le regard du soleil
Sur la terre nouvelle où l'on peut choisir une forme de l'eau
Comme on choisit un coquillage




Lettre à Marcus

Dans l'état d'enfance ou de rêve
Le sentier de la quête est proposé
Jamais imposé

Le marcheur cherche un soleil
Et s'il cherche un peu plus loin, à peine
Il trouve l'unique vrai territoire de sa vie
Celui de la quête de sens

Quelle est cette lumière silencieuse
Sur l'herbe mouillée ?

Quel est ce rythme ou cet effet
D'obscurité éclatant de lumière ?

Jamais l'une sans l'autre
Ombre et lumière se répondent
Mieux : l'ombre se pense lumière

Je n'ai pas fait l'acte de foi d'être croyant
Mais au fond de moi je sais que le monde
Sans l'Autre ne respire pas

Qu'est-ce qu'un paysage
S'il n'est qu'un regard
Une aube sans paupières
Et non un être ?

Quelque chose manque
Entre le monde en nous
Et le monde autour de nous
Un autre ailleurs, peut-être
Un autre absolu 

L'Autre, c'est ce que nous ne connaissons plus

La nostalgie des voix secrètes ne rejoint aucun lieu
Hormis peut-être l'ombre des rêves
Qui ne sont plus et ne peuvent être

C'est une esthétique de l'effroi
Que je touche sur ce sable froid et humide

Un matin de pure lumière
Fait face à un paysage
Sur sa pente de nuit

Je ne cesse de me demander comment
Les images écrasées de silence
Retrouvent les sourires de la chair

Et puis, étonnement !

Le paysage parcourt une baie vitrée
Pour rejoindre dans les éclats de la lumière
Sa transposition

Et, si l'on se réfère au prologue initiatique de Jean
Dieu s'est fait dialogue et c'est nous qui écrivons Dieu

C'est aux hommes de bâtir le Ciel

Même si la vie vient de plus loin que nous
L'Autre Monde a sa forêt et ses sources : les nôtres

Le seul moment d'éternité, c'est ici qu'on le construira

Construire un moment d'éternité
Cela veut dire réfléchir, imaginer, inventer

La conjugaison des chemins de l'aube
Sépare et unit à la fois naissance, aboutissement et départ

L'esprit de la couleur voyage
Entre l'inquiétant et le merveilleux

L'alcool de la chair traverse les mondes
L'alcool de la chair est toujours en voyage
Comme la mer entre des brisants opposés

Marcus ! 

Quelle couleur fait notre main qui s'ouvre ?

L'aube qui s'allume devant nous a mis de nouvelles couleurs
Les unes cherchaient à entrer par effraction
Tandis que les autres ont rencontré
Ce qu'elles n'attendaient pas

Si l'on se joint à cette couleur
Par esprit d'aventure
Et pour la remettre dans le ciel
C'est une ronde lumineuse
Mais si rien n'a eu lieu que le lieu
Ce n'est plus une direction

Malheur à celui qui n'a pas eu le temps d'être aimé
Loin du regard maternel qui sécurise et protège
Ce qui n'a pas été appris au début de la vie
Est définitivement perdu

Changeons la mort
Commençons la vie

Il reste de la place sur une île encore chaude
Chaque existence est une signature unique

Je t'embrasse sur le cœur




Vent de Dieu

Le passage des vents se situe au carrefour exact
De la rive nocturne des songes et de l'aurore naissante des regards

Le goût de l'inconnu se faufile entre les moindres failles
Il est le vent voyageur arrivé de très loin
Qui refuse le vide blessant de l'utilité immédiate

Comment savoir jamais si l'on a compris un matin de pure lumière ?
Tout être baignant aujourd'hui dans un liquide nourricier
Navigue vers l'une de ces dimensions sacrées de la vie
Mais aucun ne se rappelle les précédents voyages

Je me demande pourquoi le ciel est une mer dans le vent
Et brusquement le vent la recouvre et elle touche le ciel

Certains hommes aiment avant, ailleurs l'aurore de vie
Ceux-là ont commencé à ouvrir tout l'antérieur
Et même si les premières lueurs aurorales de l'aube
Se sont arrêtées au plus profond le la forêt
Personne que le vent pourpre d'un signe
Ou d'une ligne dans l'espace ne s'en est aperçu

Nous partions dans les chemins et les sentiers de l'innocence
Tu te rappelles ? S'il soufflait des présences glacées
Une voix minuscule se nichait dans le creux
Entre les cris aigus du vent et notre chair orange

Une voix nous le répète sans cesse
Il reste toujours une étoile
Qui ne se sépare pas de la nuit

Qu'en est-il cependant des escales de l'invisible
Que la divinité de l'air Ehecàtl séduisait
Pour ainsi dire sans le vouloir
Par le seul attrait de ses couloirs de vent ?

Le vent écoute en lui-même frissonner des ombres

De si loin qu'ils voient le ciel et l'eau sans fin
Les hommes aiment imaginer qu'ils pourraient
Se frayer un chemin dans les paroles émises par le vent

Puis entrer dans l'horizon et dessiner
Dans l'air froid les mêmes soleils

Nous ne comprenons pas tout de suite
Ce que nous voyons

Mais le mot île est peut-être
Plus vaste qu'on ne l'a imaginé

Si c'est le cas, rien empêche
Qu'une île soit aussi une étoile

Une île et une étoile
Sont présentes l'une à l'autre
En s'unissant dans la mer

Très complices, elles ne laissent au ciel
Aucune possibilité d'initiative

L'île rejoint les étoiles
Et leur appartient
Comme un dessin à sa couleur

L'étoile et l'île s'accomplissent l'une l'autre
Mais demandons-nous plutôt de quelle île deviendra-t-elle l'étoile

Intérieurement et extérieurement la même
Toute île est en danger : le point devient lieu

Les îles sont reliées entre elles, les étoiles aussi
Mais il est des chagrins d'étoiles et des îles déchirées
Qui ne prennent plus part à la mer du monde

Le départ vers les étoiles peut être aussi une fuite
Sous l'impulsion d'un ciel désespéré et désespérant

La lumière soudain s'agite
Le vent fixe son chemin

Et toute île est transférable
D'une simplification bleue concrète
A un lieu indéterminé dans l'infini

Le vent m'apporte la réponse
Et son chant tisse un lien mystérieux
Dans l'aube de ses lignes
Entre des êtres totalement différents

Le voyage a commencé

Ici, je suis au centre de quelque chose d'autre
Qui s'ajoute aux éléments et de tout ce qui invite
A la course des rivières et des signes éblouissants

C'est dans ce feu nouveau né du mystère primitif
Que s'est éveillée pour la première fois, avec le souffle des ombres
La pensée de la source, de toutes les sources

Entre la nation terre et la nation des étoiles
Il y a une parenté qui est le goût de l'infini

Les hommes le tinrent par les cheveux
Ce vent solaire qui, en eux, a visité tous les points de l'univers
Et, lentement les points luminescents se déversèrent dans l'eau
Et les reflets avec une douceur et une violence aussi d'amour

Les citoyens du ciel connaîtront les étoiles par leur prénom





La marche à l'étoile

La fascination pour les rêves
Et les mythes a donné naissance
A une prolifération de créations actives
Et à un langage merveilleux des étoiles

La limite incertaine des longues nuits
Nous relie à la course effrénée des étoiles

La lumière des étoiles
Se distingue très nettement 
Des autres lumières

C'est elle qui transporte les îles 
Plus loin que leur espace mesuré

Qu'y-a-t-il au-delà de la nuée ?

L'ombre des étoiles prend le pas sur le rationnel

Dans un grenier d'enfance
Il y a toujours, entre les poutres merveilleuses
Une cité idéale alignée avec les étoiles

Peut-être est-ce par cette fente
Avide de lumière et d'espace
Que s'ouvre l'œil des étoiles 

Nous sommes ensemble
Depuis cinq minutes
Et depuis cent mille ans
Les enfants s'endorment
Pour demander une étoile
Un petit point vivant

Et depuis cent mille ans
La bouche de l'enfance est différente
Pour avoir l'aube mouillée, pour parler sa voix
Avec la seule envie de mordre la lumière
La tête enfouie sous l'oreiller

On peut lire dans le regard d'une étoile
Toute l'émotion de la lumière

L'espérance d'un dessein intelligent des étoiles
N'est jamais que le début de l'ouverture à la rencontre

Une pluralité de chemins d'étoiles
Danse dans nos mains

Et cependant le sentiment d'harmonie est très vague

Seule, la fenêtre sublimement violette de la nuit
A des chances d'être ouverte sur les rivages inconnus

Il suffirait de presque rien
Peut-être un regard, un mot, un signe
Pour atteindre l'autre rive

Dans l'idéal berceau de l'être
Les étoiles jointes ne tremblent plus

Mais, qu'arriverait-il
Si le soleil de l'imagination
Et de la croyance disparaissait
Au milieu des sept étoiles de la Grande Ourse ?

Il souffle des sources
Et des soleils glacés
Sur les grandes prairies d'étoiles

Les voyageurs croient tracer eux-mêmes
Leur route, les yeux fixés sur leur étoile
Ils n'ont jamais regardé que l'étoile née d'eux-mêmes
Dans cette merveilleuse coulée d'argent

Un moment le sable plat et humide
Et ce nuage d'une neige de cristal
Se sont touchés au plus haut

Ils n'ont jamais soulevé qu'un coin de lumière
Soudainement aspiré vers l'au-delà du visible par le sable

Etoile est un mot pour dire
Le voyage d'un peuple tombé des nuages





Les Mots

Tout a commencé autour d'une seule parole
D'un seul regard à l'orée des premiers mots
Eau, air, nuées de lumière, étoiles en feu

Où avons-nous trouvé ces mots ?
Quand, comment écrit-on ?

Ecrire est un voyage en solitaire
Est-ce de la vie éveillée ou de la vie en rêve ?

L'entrée émerveillée dans le champ maternel des mots est inexplicable

Derrière les mots, il y a des mots
Qui traversent la nuit et atteignent l'aube
Avant d'aborder une île déserte
Présente à l'état de trace

Sur le sol de sable
On aperçoit, toujours à fleur de jaune
Le poème qui n'est pas encore écrit

Les mots sont à créer chaque jour
Et ils n'existent que selon leur propre désir

Les mots se mêlent au monde
Qui les entoure aussi vite que possible

Ma main glissée dans le courant
Je tire à moi la surface de l'enfance
Et commence à inscrire l'éveil de la phrase
Dans un cercle de mots que j'accroche
A la sécurité matricielle de la Terre

La phrase en moi était au bord d'une enfance, d'un paradis

Elle est mon coquillage marin
Et le bleu et le blanc le long du sable

Les mots pierre blonde, colline ronde
S'entremêlent et s'entrouvrent
Jusqu'à la pointe d'une poitrine nue
Qui me fait battre le cœur

Une île sœur, on la garde sur soi
Comme une longue, infiniment longue source abondante

Je te dis à toi, mon île sœur
Que je rêve d'accrocher, moi aussi
Un appel de pureté au bord d'une étoile à ma feuille de route
De me mettre à sa recherche sous les mots

Principalement les mots
Qui s'éblouissent à l'intérieur de la main
Toujours ils se sont écris avec les yeux
Comme toi, île, petite image de l'éternel
En toi, tout ce qui s'écrit fait la nuit plus bleue
Et bien plus ronde encore que les jours

Dans un cercle de craie
J'inscris tous les regards de tes yeux

La rencontre émotionnelle des mots, elle aussi, a une âme

Chacune de nos rencontres a ouvert 
Une dimension nouvelle dans la vie
Et, de l'une à l'autre un parcours s'est établit

J'ai le pressentiment d'une région nouvelle

Je caresse le sable des mots
Et c'est une île-corps que je touche

Je lui arracherai son secret
Je ne sais pas comment
Mais je sais quand

La flamme noire de l'écriture

Je m'y agrippe 
A cette route clandestine de l'imagination

Je suis pris dedans
La feuille blanche d'une main
De l'autre, le crayon de l'imaginaire

Ma main libre à gauche
Au centre, à droite

D'un saut, j'ai franchi la haie de l'inconnu
Et, comme un îlote, un îlien

Je me suis glissé entre le noir et blanc
Et la couleur dans un moment très extraordinaire
Comme la cellule matricielle

La joie du geste épouse la face maternelle des mots

La joie du geste
Extrêmement sensible
Extrêmement individuelle

La joie

Ma main s'inscrit dans une image d'écriture
Elle est entraînée par ce que j'ai à dire
Dans cette nuit nostalgique et colorée des mots

Les idées que je réchauffe dans mes images
Donnent leur couleur aux mots

Image par image

En prenant un crayon
Je peux vous le dire
Je m'approche pas à pas
D'un point d'accès secret
Et je vis une seconde naissance
Pour écrire

Ecrire ce qui, encore, reste libre
Même à pages nues, j'arriverai à temps

Toujours plus pur doit être le fond blanc
Qui unit à la fois le visible et l'invisible
Même si le poète a appris à nicher
Sur la page noire comme ses mots

La joie du geste est une approche imaginative de la main

Et la question toujours posée est celle de cette image d'écriture
Les mots émergent quelque part, de l'autre côté de la page

Alors où vont-ils ?
A droite ? A gauche ?
En haut ? En bas ?
Dedans ? Dehors ?
On ne sait pas

La seule chose qui soit véritablement importante
C'est la rencontre entre cœur et image
Pour qu'il y ait accord de la main et du regard

Le rêve comme écriture
Ouvre à nos yeux un parcours
Vers la vision, vers le feu que l'on est

Les mots s'engloutissent dans le passé 
Et renaissent en un autre lieu

A travers la vitre, je n'ai de regard
Que pour les dessins du ciel suspendus
Dans le ciel des mots

Et si les mots n'étaient pas les mots ?
Personne ne semble les connaître
Leur voyage sur terre est mu par une force
Dont nous ne savons rien, lointaine mais concrète

Il me semble soudain ressentir dans mes respirations
Une naissance écriture qui m'avait échappé

L'exploration nocturne de l'univers intérieur est plus fraîche, plus pure

Et je comprends immédiatement que le noir
Est la couleur des origines, des commencements
Et la première vibration bleue des mots et des blancs

Et je me dis aussitôt 
Plus le ciel noir des mots
Prend et tient contre son cœur
La mer blanche des images
Plus l'image blanche de celle qui vient
De celle qui arrive emplit la vague clarté et le vent

Il ne s'agit pas tant de défendre une vérité morte sur le papier
Que de s'immerger dans l'instant merveilleux précédant l'écriture
Ce sont les sables invisibles d'une page qui peut être d'aube 

Mais on atteint, pour ainsi dire, le site originel des mots
Qu'une fois parvenu aux lieux et moments "intermédiaires"
Le voyageur n'est point, ayant négligé de retourner dans le passage
Préalablement ouvert entre lui et le monde

Le monde invisible, en tant que tel, ne nous est pas accessible
L'exactitude poétique, oui

Un mot sur la page, comme une île à la mer
Les deux sont caressés par les yeux
Et l'espace est changé




Tous les voyages ne sont pas le même voyage
Je cherche à retenir celui qui me demandera de se laisser porter par les mots

Quelles libertés peuvent avoir des mots et des images ?

Le contact intérieur a besoin d'un grand retour d'écritures nouvelles et neuves

Le jeu incertain des lumières et des ombres se trompe de chemin
Il faut que la lumière de l'ombre trace de grandes lettres de feu dans le ciel noir des mots

Pour la sincérité des idées
Pour la légitimité des rêves
Pour l'authenticité des émotions
Et pour le pur plaisir de les partager

Dans la nuit des mots de murs
Un soleil de craie est une source abondante

Ce que je sais ? 
Ce que je sais, c'est que l'écriture douloureuse
De ces pans sombres déboussolés entrevoit
Les fines pluies lumineuses des fenêtres éclairées 
De ma route avec toi

Faut-il chercher le vrai dans l'image ?
Les géomètres disent non
Malgré vous, leur répondent les poètes
Les symboles orthographiques véhiculent une sorte de magie

La vérité ne se trouve que dans les poèmes

Une fois l'être-là saisi, un tout petit point de lumière
Peut encore s'élargir et trouver sa liberté
Dans le sable brûlant des mots



Dès l'instant où l'on s'installe sur le territoire de l'étrange
L'attrait de l'inconnu nous agrippe par l'émotion des mots


La Mer

L'attrait de la mer prend sa source dans le bassin maternel
La mère est dans l'enfant le chemin de la mer, le désir de la mer

Puissions-nous être convoqués tout près des sensations pures
Qu'une seule création de nos yeux soit ôtée, un seul spasme d'infini
Et ce serait la stupeur des nuées sur la haute mer
Qui ne laisserait derrière elle aucune route concrète

Heureux celui qui sait tous les noms d'îles
Tous les noms d'ailes ont fait cercle autour de lui

La terre de son voyage cherche ses yeux dans le ciel
Pour pouvoir se regarder sur la mer

Dans toutes les images qui me reviennent à la mémoire
La note dominante est la lumière de l'eau

La poétique de l'eau est liée à la lumière du monde
Et la lumière du monde est une pluie de sublime
Dans les mains de l'enfance

Le premier lieu dans l'eau du matin transforme
Sans cesse en lui-même la lumière et le regard
Comme s'il s'éveillait d'une île lointaine

Désormais, je ne songe plus qu'à me recentrer sur mon matin d'origine
Et qui sait, délivrer de moi le souvenir de la grotte-refuge
Et des coquillages à la forme spiralée

Des mots couchés sur la mer
Ou filant parmi les vagues
Etincellent sur la crête blanche des images
Je vois d'autres caps, îles ou îlots rocheux
De toute la part de mystère à dire

Les yeux de la mer ne sont pas explicables
D'un seul coup, ils se mettent en bleu

L'un croit au ciel, l'autre n'y croit pas
Mais il y a l'idée de la mer entre eux

Le rapport du soleil et de la mer est perpétuellement au-delà
Comment faire comprendre cela ?

Un invisible plongeur a jeté
Une poignée de pierres précieuses
Dans l'eau brillante et argentée

L'eau est le premier regard de la terre vers le ciel
Et le ciel est une circulation infinie de regards vers la terre

Maintenant je sais que la mer et le ciel sont de la même couleur
Que l'odeur d'eau de mer se mêle à celle de la forêt
Que le sable peut être rose comme l'aurore
Et qu'il fait bleu au plus profond, au plus secret

Dans l'univers des chants de l'île
La mer noue avec le ciel
Des relations d'être à être

La mer et le ciel
Forment un couple vivant

La mer c'est du ciel en devenir

Mon voyage vient faire son nid
Dans le corps luminescent de la mer
Et j'apprends plus par mon amerrissage
Que ne révèle la grande ombre de lune 

J'écoute la mer et c'est la voix d'une mère que j'entends
Sans elle, où serais-je, à l'intérieur de qui ? 

Je regarde cette pierre et c'est un visage de chair que je vois
Je caresse le sable et c'est le corps d'une femme que je touche

Comment s'éclaire mon île
Si je n'ai plus de mer ?

L'île et une mer, une mer et l'île
Les deux sont indissolublement liées
L'écoute et la parole en cercle

Toute l'île est le fait de ce bleu à bleu

Île et eau ont une similitude
De forme et de couleur

Tout d'abord leur clarté première
Il pourrait bien y avoir de l'or
Dans ces dépassements ou ces surpassements

Cette rivière a reflété la douceur des larmes d'une étoile
La lumière est née sur l'eau d'une autre lumière

Quand la mer est dans le ciel
Je suis en grande soif de regards

Quand le ciel est sur la mer
Je m'enfonce dans les flots du soleil

La mer et le soleil
Elle est sa couleur
Il est sa lumière

Le soleil dans la mer et la mer dans le soleil
Sont égaux, identiques l'un à l'autre

Et la lumière sur l'île est toute la lumière des yeux

Si la réalité intérieure surgissait en pleine lumière
Je m'arrêterais à côté de la brume qui monte de la mer
Lorsque l'existence réelle des rêves bondit sur les vagues

Toutes les îles que la mer rencontre
Sont venues à partir de ses regards échangés avec le soleil
Nous devrions regarder les îles à la lumière de ce qu'elles savent
De la mer qui les transporte plus loin que son espace mesuré

La mer est venue d'en haut et non d'en bas
Car il n'est point de céleste voilure
D'une île couleur de temps en l'autre, éclairée
Sinon par les chemins de l'aube

Et maintenant, il nous faut vers eux parcourir le chemin du ciel
Offert sous ses diverses faces à la vue de la mer

La mer est venue d'en haut et non d'en bas
Et elle a rencontré la terre sur une plage

Il n'y a rien de troublant dans l'eau de mer
Excepté de savoir d'où et comment elle est apparue
Et nous savons déjà au moins une chose
C'est que la mer est l'eau qui s'unit au ciel
Parce que le ciel s'unit à l'eau dans la mer

La mer rejoint sa falaise
Dans cette ultime seconde
Où l'effondrement de l'une
Offre une nouveauté de lumière à l'autre

L'air et la lumière, l'espace libre sont secoués comme sur des vagues

Le ciel est une mer dans le vent

Le vent de la mer vient d'une autre vague de mondes
Avec ce vent, il y a un autre vent et il y en a un autre autour de lui
Et, de cette sortie vers l'infini s'élève un autre vent encore
Qui ajoute des univers-îles jamais vus ni entendus

Ce vent glacé vient d'au-delà des étoiles

Il est le vent voyageur arrivé de très loin
Qui emprunte le couloir blanc des ailes
Pour rejoindre sa falaise

Le voyage est à lui
Tout comme le feu innombrable
De ces lointaines lumières
Qui revêtent ses nuits

Il voyage ici comme il rôdait ailleurs
Sur les berges d'Aldébaran

Il veut dire la révélation totale de la mer !
Il veut dire la vérité définitive de la mer !

Il n'y a pas autant d'îles que d'étoiles
Où se trouvent donc les îles manquantes de la mer ?

Les îles sont faites pour les chercheurs de mers

La couleur des barques amarrées
Réclame toujours plus d'horizons lointains

Des yeux sous la mer nous regardent

La mer n'est pas seulement un voyage
Mais une certaine idée de ce voyage

... J'ai mon idée




L'espérance d'un dessein intelligent des étoiles
N'est jamais que le début de l'ouverture à la rencontre

Derrière ce chemin d'étoiles, juste à côté de la cité de l'aube
Il y a une invitation à voyager dans une merveilleuse construction lointaine
Et cependant dynamique, faite de mouvement et non d'espace





Passage des Soupirs

L'infini n'a pas besoin d'un grand espace de manifestation
Il se montre entre deux cheminées
Tout a été fait en lui, par lui et pour lui

C'est pour cela qu'il existe des passages
Secrets, spirituels, infinis
Comme ce passage-là dans Paris

Sur la vitre le paysage pleure
C'est un son qui n'a pas de voix
Dans une Islande de rêve une plage
De sable noir s'étire à l'infini

Les visages de la rue sont choisis
Par les rêves de la nuit
Comme le sont les larmes de pluie
Par les multiples facettes d'un chagrin unique

Seule une odeur féminine mettra fin
A cette rupture entre le clair et l'obscur

L'étreinte de la brume s'empare
Des collines d'épaules environnantes

De pâles silhouettes s'en vont mourir
Dans le cocon de la nuit

Chacune est une inconnue pour l'autre

Ce n'est pas la couleur bleue qui fait la couleur de la nuit
C'est la couleur de la nuit qui fait la couleur bleue

Ainsi voyons-nous toute la charge émotionnelle
De cette improvisation éphémère d'ombres d'hommes

Je me demande toujours où se trouve le lieu des rêves

L'absence-présence continuellement ressentie de l'Autre
Se noue et se dénoue autour de la place de la Contrescarpe

La rue Pastourelle ne sera pas le chemin
Qui mène vers ce lieu de mystère

Quai de Valmy, je parcours des yeux
Ce moment entre deux modes de présence
Où se dessine plusieurs fois l'histoire
De nos ombres groupées sur la terre

C'est dans des chemins de pluie
Que j'aime entendre mes pas

Où se cache le secret de la vraie vie absente ?

Les fenêtres de la nuit prêtent leur rectangle
De lumière à diverses manifestations visuelles

Que voient-elles dans le ciel ?

L'eau solaire !

Est-ce l'espoir rimbaldien d'un vent de sable et de feu ?

En haute forêt, le soleil est un mode de présence différent

Le soleil est eau !

Le moindre chemin d'eau dans le silence de la forêt
Est sur le point de devenir une mer de lumière

L'éclairage de la rue Laurence-Savart
Emporte une lueur noire

Que regarde cette fenêtre de pierre
Dans la nuit tombante ?

Je vois les lettres d'un mot

Indécelable




Jardin des Soupirs

Une île s'est égarée dans la nuit initiale
Elle préférait l'ombre lumineuse
De la lune à l'éclat blanc et noir du soleil

Pendant quelques instants 
Le vent souffla dans l'âme
Dans le cœur et dans la voix
Et, d'un bout à l'autre 
Du doux pays de l'enfance
Les étangs et la rivière s'ouvrirent
L'eau douce ensuite, laissa la place à la mer




 Reconversion

Il y a des regards qui nous invitent
Et nous attirent comme une entrée d'un autre monde

Le bleu vire instantanément au noir
Et l'endroit est terriblement beau

Est-ce un mal ou un bien ?
On ne saura jamais ce que c'est
Que la fusion de deux corps

La partie la plus intime de l'être
Ne dépend pas de l'ordre de la logique
Et du raisonnablement correct

L'aventure est tout autant intérieure qu'extérieure
Elle nous entre par le corps et écoute notre histoire

Mais voici plus important que tout
Être soi c'est être unique

L'élan propre de l'être
Est non codifiable
Et intransmissible

Je cherche avec les mains
Et avec les yeux du silence
Le calme de l'instant inouï
Pour y planquer mon île
Ma chambre, mon dessin

La question essentielle est en permanence
Réveiller ou refouler le territoire des rêves

Il faudrait à la fois rester un unique
Et vivre comme les autres
Est-ce possible ?
S'entendre de dedans le cosmos
Et vivre et inventer

La lumière remue les ombres du rideau
On ne sait si c'est l'imaginaire
Ou le réel non décelé qui va répondre

La force agissante de l'imaginaire
Change continuellement 
De mots, de corps, de mondes

Visage autour d'un autre visage toujours recommencé
Déplacements sans fin des vies dans la vie

Le vrai monde est à tous les yeux
Qui le cherchent dans la nuit

Ils connaissent tous les noms d'elles
Elles mettent du rouge sur les lèvres
Et du noir sur les yeux

Et dans le bleu de la nuit
Le désir brille d'amour

La surface vivante de son corps
Est pareille à celle d'une page blanche
Qui peut être d'aube

La chercher, elle est désir

D'abord éprouver, ressentir
Un temps vécu dans l'enfance
Comme un rapport éternel

Je propose d'en revenir à l'instant 
Déroulé d'entre les draps et les couvertures
Parce qu'il est fait d'une rare violence d'amour
Pour permettre à des dessins d'enfant
De prendre vie sur nos cœurs




L'ombre initiale précède le rituel d'accouchement du mot, de l'acte, de la vie
Une moitié devient la naissance écriture, l'autre moitié la respiration poésie
Comment rendre le visible à son invisibilité ?
L'écrit navigue vers la vérité morte sur le papier
Ce ne sont que les traces, la mémoire et l'absence de l'aurore du monde

L'œil derrière l'œil

à Anne

Il n'y a pas un lieu du regard, mais plusieurs
Tous les contextes, tous les mondes sont possibles

La rue Benoist Mary n'est pas une rue ordinaire
Entre cet endroit détaché de tout et notre ombre
Existe un lien défiant l'entendement

Nous nous étions approchés
D'une maison traversée de mystère
Incomparablement focalisée sur l'indicible

Devinant notre surprise et notre trouble
Elle nous saisit et nous projeta
Vers le plus secret de ses noces alchimiques

Plus d'une fois nous avons tenté
Mais en vain de lui faire révéler son secret

Le noir et les gris s'entrecroisaient
Et concentraient leur profondeur
Par là, ils donnaient accès
A la dimension expressive
De la lumière

L'incantation de la pierre pénétrait la chair

Les hauts murs remuaient
Mes yeux se mirent à courir

Mais personne, que ce chat égaré ne s'en est aperçu

Il est des astérismes secrets
Habités par une autre lumière
Dont l'étreinte transcendante
Est emportée au loin par les élans
Et les instants de l'étoile

Il y a deux mondes, pensai-je
Il y a celui dans lequel on vit
Et il y a celui pour lequel on ouvre les sources

Le paradoxe de l'endroit : deux créations
Celle de l'infini et de l'étroite union
Et celle des points périphériques et de l'essentielle séparation
L'une en face de l'autre, devant ce moment de passage
Traduisent à la fois l'étonnement d'être et la surprise d'exister




L'Allée des Brouillards

Il y a beaucoup de pays
Dans le pays de la mémoire

Les ailleurs intérieurs sont tellement nombreux

Ils s'agitent dans les yeux
Comme des flammes de feu

Les formes mobiles et les couleurs changeantes
S'agglutinaient dans L'Allée des Brouillards

Préfiguration de la rencontre
Arrêtée en pleine course

D'où viens-tu vers moi ?

On ne sait pas ce que
Le visage de l'image nouvelle
Veut que l'on voit de lui

Comment t'appelles-tu ?

C'est avec une image voilée
Que quelque chose se trame
Dans une continuité sans fin

Parle-moi à l'oreille ; nous rions

La saveur du sensible naît
De ce qui se voit en autre chose
Que le regard lui-même

Liaison magique du cœur et des sens

Il ne manquait que la couleur à l'image
Pour s'ouvrir dans le ciel des mots

Le souffle de l'ombre
Entama une traversée
Des territoires inexplorés
Livrés par la sensation intime

D'un esprit du lieu à l'autre
Nous fûmes conduis à la Cité Véron
D'un hameau des artistes à la barque du poème

Visage paysage, de quel âge es-tu ?

La désignation de l'idéal
Nous appartient-elle encore ?

Le nom écrit, assumé
Des êtres et des paysages
Et la vie profonde possible
N'ont rien pour s'entendre

La vie n'est pas une mécanique de logiciels !

Le sublime est arraché
A un instant de limpide beauté
Pour être enfermé dans le vide blessant
De l'utilité immédiate

L'amour n'est pas une formule mathématique !

Pour sortir ce cette impasse
Il faut écrire, inventer
Sur les murs de nos appartements
Pour une idée, rien que pour une idée
Ecrire, peindre ou sculpter
Le pays de nos fantasmes

La naissance permanente, ça existe donc !



L'horizon d'Enlil

Dans un pays d'ombre
Une nuit de vent m'a mordu le corps

Au plus haut de ce paysage inattendu
Il y avait des pierres remplies de silence
Qui portaient vers la Voie Clarté
Des présences perdues les attiraient
A elles de toutes leurs forces

Je ne faisais plus la différence
Entre des pas sur la neige
Et des jardins sous la pluie
Et il n'était plus rien
Dans l'invisible construction
Parmi l'ombre de mes rêves
Que l'invention d'un fil de lumière
A la nuit la nuit, à la rencontre la rencontre

Et soudain il y eut l'inouï
Il y eut l'idéal

Je cru percevoir une voix
Qui appelait de la cité radieuse
Puis ce fut comme des yeux de lumière
Qui emplissait l'espace de la nuit

La transparence de l'eau et du regard
Epousait la limpidité de l'air et de la voix

Une rivière se cramponnait
Désespérément à la lumière
Naissante de n'importe quel
Endroit du ciel

Je reconnu la beauté des chemins déserts

Il en était de ce monde comme de l'autre
Ils baignaient dans le même liquide nourricier

Une forme de vie intelligente
Dans l'espace semblait m'écouter

Comment était-ce, mers et montagnes, possible ?

Il était sans cesse répété
Au-dedans de moi-même
Qu'un ciel vide pouvait
Cacher un lien interne

Pour effectuer le grand passage
D'un monde à l'autre
Il fallait que la lumière
Soit directe, sensible
Comme une musique de l'aube
Dans un espace nu, radical

Une musique par l'intérieur

Mais le ciel impénétrable se taisait

Dieu dans son ciel
Décidait tout seul
Du climat de l'aube

Nul ne savait où commençait le climat de l'aube
Excepté, peut-être, les astérismes secrets
Des perceptions d'autres mondes, d'autres réalités
Par la seule force du regard universel et libre des étoiles

Nous tous étions maintenant
Et pourtant nous n'étions pas maintenant

Quand étions-nous ?

Comment donner un sens
A l'indéfini ou à l'inexprimé ?

Une étoile s'était échouée sur la plage
Presque à l'endroit où la rivière se jetait
Dans le grand corps intérieur de la mer

Tout le ciel me regardait et m'écoutait
Une seule mer personnalisée me voyait
Et m'entendait

La lumière frappait les murs
Et son ombre se projetait sur les mers

La nostalgie de la surface maternelle
Marquait le point d'où s'élançaient
Les imaginaires et où s'arrêtait le rationnel

Le mot mère m'attirait vers la mer
Dans ses yeux étaient tous les mondes de tous les univers
Il était des nuits, pourtant, où ses beaux yeux s'emplissaient de larmes

En dépit de cette porte inventée sur l'éternité
Il y avait dans les yeux de la mer
Une préférence désespérée pour les instants

Il manquait un contrebalancement à l'informulable

L'intégration de l'invisible
Dans le représentable
Restait à inventer

D'un regard, j'avais cru Embrasser
Toute l'énigme du monde magique sous-marin
Mais l'île-corps qui se redressait
Et reprenait sa vitesse était cachée presque entièrement
Tandis que la vague poursuivait sa course sous le vent

Le sentier de la quête se perdit dans les brumes
Mais, le savait-il lui-même ?
C'était dans l'eau amniotique du poème, qu'il se trouvait





AUBE

L'aube ouvre ses paupières
Cette fraction de seconde décisive
Renfermait beaucoup de tendresse
Car il y eut rencontre, dialogue, découverte
Pourtant je sais qu'en l'autre fraction de seconde perdue
Là, maintenant je ne peux pas parler du premier cercle
Idéalement petit, à moins de sortir de l'aube enclavée
De la contourner pour refaire voile vers les grains blonds
D'un premier rayon bleu de la lumière

Le vent calme dans le bleu de l'aube s'est tu
Je commence à presser contre moi ces espaces, ces silences
Et je rêve jusqu'à l'incompréhensibilité
Un cercle d'eau bleue lactée qui garde le secret
De l'existence nue des relations pures
Île rêveuse des couleurs instantanées
Enroulée en rond sur le ventre chaud du monde

J'attribue ce mouvement vers la limpidité de l'air
A la haute vague des couleurs actives d'un premier soleil

Dans une grande plaine
La rivière et la forêt
S'arrondissent avec amour
Autour des ses mains
Prolongées par des rayons protecteurs

Cherchons tout d'abord des images tracées sur le sable
Avant la première chaleur du jour

Le rêve roule dans le creux de la main
Mais au centre de ce minuscule grain blond
S'élève la courbe sacrée de la route de sable




Rouge Rêve Réveil

Une vague pensée adresse un sourire à l'air du soir
Mille idées tourbillonnent dans ma tête
Toutes sont blanches, à l'exception d'une seule
Qui est en noir rouge feu

Être témoin attentif de l'invisible
C'est être lié aux verticales du feu
Et à l'essence violette des ciels lointains

Dès la sortie du sexe maternel le créé
Et l'Incréé se réfléchissent, se correspondent

Les bleus intérieurs doucement
Se fondent dans le bleu des îles

La grotte-ventre s'ouvre
Et s'éclaire en quelques secondes

Chaque embryon porte en lui
Ses aventures de la liberté

La membrane fœtale est le premier écran
De tous les films du monde
Qu'il nous faut percer et franchir

Cependant il y a des lointains intérieurs
Qui voyagent par erreur dans l'espace étoilé

Ils ont percé et franchi la membrane fœtale
Sans savoir que tout est lié et interconnecté

Nous devons tous, sans plus de délai
Nous rapprocher de la pierre, des plantes, des animaux

Quel sera le parfaitement clair et pur ?
Car le subtil et le lumineux appellent le feu

Nous avons une possibilité d'action
Un début de réponse au plus près
De notre enfance

Dessinons autant d'étoiles que d'arbres
La part d'enfance ne fait que commencer

Le rêve des origines arrive
Sur la pointe des yeux de tous côtés

Si ce qui a existé est amené à se reproduire
Le rêve d'un retour aux origines 
Et d'une existence nouvelle deviendra réalité

Tous les êtres rentreront finalement
Dans le sein maternel de l'Incréé
Partis de l'espace matriciel
Tous retourneront à sa concavité

Les portes de la Terre
En devenir de nouvelles terres
S'entrouvrent sur des matins vierges

La rive des songes réinsuffle
Un merveilleux d'imagination
Conçu par de lointains ancêtres
Qui ont tiré de cette matière disparate 
Un Ciel-Dieu


AURORE

J'écris le mot Aurore
Et l'image blanche de celle qui arrive
Emplit les vibrations discrètes de ma chair
Et le soleil et le vent

L'interprétation de la mémoire et de l'absence
Se perçoit comme réceptrice d'une nostalgie de la présence

D'où viens-tu ? Où t'en vas-tu ?

Il n'y a pas de but
Seulement les routes désertes de la mer

Oh ! Comme je t'aime
Et aussi comme j'aime t'aimer

J'ai essayé de pénétrer dans une succession de mondes
Qui donnaient l'impression d'être en plusieurs dimensions

Celui d'une moto sur l'horizon
Celui de la nostalgie du grand territoire
Qui me hante et m'accompagne
Celui d'une lutte solitaire acharnée
Celui d'une échappée en enfance douce et libre

Aujourd'hui, j'en suis arrivé à la conclusion
Qu'il n'y a pas de monde idéal et innocent
Où l'on peut choisir une forme de l'eau
Comme on choisit un coquillage

Pourquoi ? Parce que tout est en exil
Noyé dans le disparate chaotique

Mais il existe un petit point brillant
Dans les préparatifs de l'encre noire
A partir duquel s'en-bleuissent les verticalités
Ce sont les fils d'argent de l'aube
Sur la ligne serpentine des visages

Les routes affamées de liberté sont mues
Par le courant éternel du mouvement
C'est ainsi depuis toujours et pour toujours

Un vent de naissance libertaire souffle
Partout et toujours d'une terre à une autre terre

Si j'étais île, j'irais ailleurs
Or, l'autre monde c'est celui-ci !

Les vastes étendues inexplorées de l'Autre Monde
Ont-elles jamais réellement existé ?
N'importe puisque la constellation
Des lettres G A L A X I E brille
Dans les yeux de celui qui la regarde

L'intimité perdue de l'homme et de l'univers
Est synonyme d'un non-temps caché
Dans les profondeurs des clairières et des grottes

Toujours celui qui fait d'un mur une fenêtre
Continue quelque forêt initiale qui préexistait

Premier matin
Deuxième matin
Le monde commence

Ouvrir l'œil du cœur
Maintenant et toujours
D'instant en instant

Il faudrait à la fois rester un enfant
Et vivre comme les autres
Est-ce possible ? 
Ecrire et vivre et inventer ?

Je parle indistinctement de l'absence et du retour
Il s'agit d'extraire de cette vie les êtres
Avec lesquels on est fait pour s'entendre

Surtout ne pas assassiner les rêves des enfants
Le mystère de chacun dépend de sa naissance


























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